Tiens, le retour de papy Scorsese. Et c'est même pas
pour un film de gangsters ! Bon, je dis ça, ça fait un petit moment
qu'il ne nous en a pas vraiment pondu un, mais il parait que ça va
revenir (et qu'il va même ressortir De Niro du placard pour
l'occasion). En attendant, c'est avec son acteur fétiche du moment,
Leonardi Di Caprio (quatrième film ensemble, tout de même), qu'il adapte
un best-sellet. Et moi, qui prétend toujours ne pas aimer outre mesure
le cinéma de Scorsese, de suivre fidèlement son parcours depuis quelques
années maintenant.
Ted Daniels, marshall de son état, est envoyé sur l'île de Shutter
Island enquêter avec un collègue qu'il ne connait pas sur la disparition
d'une patiente. Patiente ? Eh oui, l'île est un pénitencier spécialisé
dans l'internement de criminels atteints de troubles psychologiques
graves. Le tout sous la houlette du docteur Cawley, qui est à la pointe
du progrès en ce qui concerne les traitements psychiatriques. Ah oui,
j'oubliais presque de le préciser, tout ceci se passe peu après la fin
de la seconde guerre mondiale, et le marshall Daniels est d'ailleurs
encore fortement marqué par son passage par le camp de Dachau (en tant
que libérateur, hein, pas à l'intérieur).
Assez rapidement, on comprend qu'il y a bien des choses qui ne tournent
pas rond sur Shutter Island, et que la disparition de la patiente est
fort louche. Tout comme le sont les psychiatres et autres militaires
gérant l'île. Mais le marshall Daniels lui-même n'est pas tout à fait
dans son assiette, assailli de rêves étranges. Sans compter qu'il fait
un temps de chien qui laisse présager une véritable tempête. Film
d'atmosphère donc, mais surtout labyrinthe scénaristique qui aligne
soigneusement les mystères, éléments plus ou moins alambiqués et autres
fausses pistes avant le twist final évidemment censé surprendre le
spectateur par son évidence a posteriori et sa capacité à expliquer tout
le reste avec luminosité. Bah en fait, même si ça commence à être un
procédé usé, pourquoi pas, dans la mesure où tout ça est plutôt bien
construit, et l'explication finale donne de fait assez envie de se
repasser le film dans sa tête pour vérifier que les morceaux collent
bien. Naturellement, on n'échappe pas à un certain lot
d'invraisemblances et de coïncidences curieuses, mais dans l'ensemble ça
se suit bien.
En fait, "ça se suit bien" pourrait faire office d'appréciation globale
sur le film. C'est bien foutu, bien joué, notamment pour le rôle titre
et celui du psy (Mark Ruffalo en partenaire de Di Caprio est beaucoup
plus effacé) et mis en scène avec application ; on regarde ça sans
broncher. Tout de même, il manque un petit quelques chose pour que ce
soit vraiment emballant, et ce petit quelque chose, on était peut-être
en droit de l'attendre d'un vieux de la vieille comme Scorsese. On a la
vague impression ici qu'il a fait son boulot en pro, en soignant bien sa
copie comme s'il était un débutant à Hollywood. Un peu plus de folie
(c'était vraiment le moment vu le thème du film) dans les scènes
d'action, de bizarrerie pour les scènes oniriques auraient vraiment pu
donner un autre cachet au film. Tel quel, il est plus souvent gentiment
intriguant que réellement troublant et fascinant.
Roupoil, 6 mars 2010.