Commençons, pour une fois, par un petit paragraphe un peu
sérieux pour se pencher sur un problème soulevé par la sortie de deux
films cette année, celui des restrictions d'accés aux salles de cinéma.
D'un côté, nous avons Saw III, gentil nanar d'horreur qui a écopé
de l'interdiction aux mineurs remise au goût du jour il y a peu, et de
l'autre ce Shortbus, qui s'en tire avec un classique moins de
seize malgré des scènes de sexe pour lesquelles explicite est un adjectif
indiscutable. Remarquons déjà que le premier film cité a rameuté son
million de spectateurs malgré l'interdiction qui allait, selon certains,
le condamner d'avance (en bonne mauvaise langue, je me range plutôt du
côté de ceux qui pensent que la pub occasionnée par le débat a été loin
d'être néfaste) ; quant au second, la réputation qui le précédait depuis
le festival de Cannes a suffi à lui ramener un nombre conséquent de
spectateurs (pour un film loin d'être grand public).
En ce qui me concerne, je ne suis pas favorable aux interdictions, mais
quitte à avoir un système mis en place, autant essayer de l'appliquer
correctement. Or on nage en plein n'importe quoi : je ne tomberai pas dans
le faux débat consistant à savoir si Shortbus peut être ou non
taxé de pornographie (question de définition essentiellement) mais force
est de constater que les scènes de sexe du film sont aussi crues que celle
du premier X venu, et justifient donc pleinement une interdiction aux
mineurs. De toute façon, on voit mal ce que des ados de seize iraient
faire devant un film qui traite des problèmes de sexe d'adultes
trentenaires. Au passage, je me permets de relever une remarque faite par
de nombreux spectateurs, avertissant les spectateurs hétéros que le film
allait être difficile pour eux. Mmmm, une scène de cul homo est donc plus
choquante qu'une scène de cul hétéro. Intéressant.
Mais revenons donc au film lui-même qui, vous l'aurez compris, parle de
cul. Et plus précisément des problèmes de sexe d'une petite brochette de
new-yorkais, que les hasards de la vie vont diriger vers le
Shortbus, un club où l'on partage le sexe aussi facilement que
l'apéro. Parmi les personnages étudiés, nous avons un certain nombre
d'homos, mais aussi une conseillère conjuguale qui n'a jamais eu
d'orgasme, et une dominatrice qui aime prendre des photos (et même pas
des photos de cul !). Evidemment, ça peut sembler un peu extrême comme
échantillon, mais le film n'est pas vraiment là pour faire dans la
dentelle, témoin ses cinq premières minutes qui semblent être là
uniquement pour faire le tri parmi les spectateurs.
Si on oublie cette introduction sulfureuse, le début du film est génial.
La maquette illuminée de New York est une très belle idée, et surtout
l'introduction des différents personnages (par le biais du sexe
évidemment), pleine d'humour, fait totalement mouche. On croit tenir le
film original et libéré promis par une part de la critique. On attend
impatiemment de voir comment les personnages vont évoluer. On a tort...
En fait, le problème c'est qu'une fois son bon concept tenu, Mitchell a
voulu laisser le film se faire tout seul, laissant notamment, parait-il,
une bonne part d'improvisation à ses acteurs (courageux, il faut bien
l'admettre) et adoptant une mise en scène ne faisant rien pour nous
détourner des personnages (comprendre : l'image est moche, et il n'y
essentiellement pas de mise en scène). Le problème, c'est qu'ils (les
acteurs/scénaristes) n'ont pas pu s'empêcher de donner une histoire à
leurs personnages, au-delà de leurs problèmes de sexe, et notamment au
couple d'homos. Ce n'est pas totalement inintéressant, mais on revient
gentiment vers les sentiers battus, avec une sorte de happy end au fond
assez décevant. Les dialogues tournent un peu en rond, avec des scènes qui
paraissent longues car elles ne font pas vraiment avancer les choses.
On ronge son frein lors des plans sur la maquette (ouais, je l'aime
beaucoup, cette maquette, au cas où vous n'auriez pas compris) et on sort
tout de même frustré, car il y avait beaucoup de potentiel qui n'a été
exploité qu'au début du film. Je conseille quand même d'aller y faire un
tour avant que ça ne disparaisse, car c'est à mon avis le genre de film
qui fait du bien au cinéma en voie de formatage accéléré.
Roupoil, 3 janvier 2007.