Seven,

film de David Fincher (1995)



Avis général : 7. Bon, d'accord, c'est trop facile, je monte à 8/10.
:-) Une ambiance très réussie, un scénario totalement maîtrisé, de grands acteurs, et une réflexion même pas débile sur la nature humaine.
:-( La rivalité entre les deux flics au début du film n'apporte finalement pas grand chose à l'intrigue (enfin, pas le fait qu'ils aient des convictions opposées, ce qui est essentiel, mais qu'ils s'engueulent) ; les scènes faisant intervenir la femme de Mills ne sont pas très réussies, on sent à mon goût qu'elles ne sont là que pour préparer l'épilogue.

Pour changer un peu, une critique d'un film qui n'est plus tout récent, mais que j'ai vu pour la première fois il y a quelques jours (il n'est jamais trop tard pour bien faire).

Le scénario doit maintenant être connu d'à peu près tout le monde : dans une ville morne des États-Unis (la pluie continuelle ajoute à l'ambiance déjà bien glauque du film), deux policiers, l'un à quelques jours de la retraite, célibataire, revenu de tout (Morgan Freeman, magistral), l'autre tout juste débarqué, quasi débutant et nerveux (Brad Pitt, toujours efficace), enquêtent sur une série de meurtres atroces se référant ouvertement aux sept pêchés capitaux.

Je me rends compte qu'il est en fait beaucoup plus difficile d'écrire des choses intéressantes sur un film comme celui-ci qui a déjà été abondamment commenté, que sur une quelconque bouse qui vient de sortir. J'éviterai donc de trop m'attarder sur la performance des acteurs (si, quand même, je trouve que Kevin Spacey colle terriblement bien au rôle), la qualité de la réalisation de David Fincher (ambiance glauque parfaitement maîtrisée, photo superbe) et la tension émanant d'un scénario machiavélique. Sur ce dernier point tout de même, un léger bémol venant du fait que j'ai vu ce film très tardivement : l'épilogue m'a légérement déçu dans la mesure où je l'ai trouvé plutôt prévisible, ayant vu depuis quelques années plusieurs films tournés après Seven et s'en inspirant plus ou moins ouvertement, dans lesquels le même genre de truc est utilisé à répétition. Un effet pervers amusant... Ah, et puis pour pinailler un peu, il y a quand même un léger problème dans la construction de la série de crimes. Comme le montre notamment le crime "Sloth" (Paresse), John Doe a tout préparé soigneusement depuis des mois ; mais il ne pouvait certainement pas deviner que l'inspoecteur Mills allait débarquer et mener l'enquête juste au bon moment pour lui permettre de conclure par l'apothéose du double crime concluant le film (accessoirement, il y a un léger problème de logique dans les deux derniers crimes puisque Doe, qui prétend ne faire que punir des gens qui le méritent, tue une innocente pour le crime "Envy"). Bon, c'était histoire de chercher la petite bête, car cette conclusion vient tellement bien à point qu'on ne cherche pas sur le moment à en analyser la crédibilité.

Bon, j'ai commencé à digresser, mais ce que je voulais faire à la base, c'était souligner quelques points qui me semblent vraiment très réussis dans Seven. D'abord, la gestion du voyeurisme que nous propose Fincher est à mon avis vraiment intéressante. Pour chacun des crimes, il en montre juste assez pour à la fois nous dégoûter et titiller une certaine curiosité malsaine au fin fond de notre insconscient (ou de notre conscience pour les plus dérangés d'entre nous ;-) ), sans tomber lui-même dans le voyeurisme. Du coup, tout en condamnant violemment les atrocités commises par le meurtrier, on se demande quel procédé sadique notre cher John Doe va inventer pour le crime suivant. Dérangeant, mais tellement bon (j'assume complètement ma fascination pour ce genre d'ambiance malsaine).

Autre point important, la personnalité du tueur. Souvent trop simpliste (un "bête" tueur en série qui massacre des gens sans trop se poser de questions) ou trop tordu (justification des crimes par des considérations mystiques qui ont vite fait de noyer le spectateur) dans ce genre de film, elle est ici très intéressante. Sa vision du monde (Doe n'est finalement "que" une sorte d'eugéniste cherchant à supprimer des personnes n'ayant pas leur place sur Terre de par leur médiocrité), ajoutée aux reflexions des deux policiers, incitent le spectateur à se poser pas mal de questions. Difficile de ne pas sortir de la projection un pu plus pessimiste, influencé par le nihilisme de Sommerset. Je ne vais naturellement pas me lancer ici dans une grande dissertation pour savoir si le monde est vraiment aussi pourri que le film ne tend à nous le montrer, mais ça fait toujours plaisir de voir au cinéma une oeuvre grand public (bon, relatif, le grand public, mais quand même) qui ne se contente pas d'une vision simpliste du monde.

Je pourrais continuer longtemps à parler de ce film fascinant, mais il faut bien s'arrêter un jour. Ca étonnera peut-être certains qu'après le bien que je viens d'en dire, je ne lui donne pas une note plus proche du maximum et que je ne le classe pas parmi mes films cultes, je ne sais pas trop comment le justifier, mais il me semble qu'il lui manque un petit quelque chose, la fulgurance qui transformerait ce qui est assurément, aux côtés du Silence des Agneaux, un classique du thriller à tendance horrifique que je reverrai régulièrement avec plaisir, en chef-d'oeuvre impérissable.

Roupoil, 8 août 2004.



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