Le réalisateur Edgar Wright a déjà eu l'honneur de ces
critiques il y a quelques temps, alors qu'il était encore le jeune
trublion britannique ayant accédé à une célébrité soudaine avec deux
comédies déjantées, Shaun of the dead et Hot fuzz. Le
voila de retour du côté hollywoodien de la force (eh oui, encore un)
avec un film de super-héros. Aïe, affadissement irréversible à prévoir ?
Peut-être pas, car son Scott Pilgrim, adaptation d'un célèbre
comics (non, non, je ne connaissais pas non plus) a l'air bien déjanté
quand même et ... a fait un gros gros bide outre-Atlantique. Peut-être
que ça peut être intéressant, ce machin, finalement.
Scott Pilgrim, donc, est un jeune adulte typique des années 80. Il joue
avec des potes plus ou moins atteints dans un groupe de musique
bruyante, partage son lit avec un coloc gay (non, lui n'est pas gay, ils
manquent juste un peu de place) et les conquêtes de ce dernier, aime,
comme tous les autres, les jeux video qui font d'horribles bip bip, et
accessoirement sort avec une lycéenne, ce qui en fait la risée de tous
ses copains. Quand déboule une autre fille sur laquelle elle flashe,
tout se complique. D'autant plus que celle-ci va s'avérer
particulièrement difficile à conquérir.
Il y a quelques mois, à la sortie de Kick-Ass, beaucoup ont
crié au détournement du film de super-héros et au film de geek. Je ne
sais pas si ces gens-là sont allés voir Scott Pilgrim, mais
s'il est bien un film de geek, c'est plutôt celui-là. Mais attention,
c'est même plus précis que ça, car on s'adresse ici spécifiquement à une
génération qui a été fan de Zelda (côté jeux video) et de DragonBall
(côté manga) dans son enfance. D'ailleurs, c'est tellement ciblé que ça
suffit à expliquer le ratage, car ça paraitra sûrement sans aucun
intérêt pour une bonne majorité de la population.
Coup de pot, je fais partie de la cible. Manque de pot, le film n'est
malgré tout pas très bon. Pas vraiment la faute de Wright, qui déploie
des trésors d'inventivité pour faire exploser son film de couleurs,
d'onomatopées et autres idées visuelles dans tous les sens. C'est
presque trop, même, car au début on a un peu de mal à se caler dans ce
drôle d'univers mi-sérieux (car tout de même assez fidèle sur le fond
aux préocuppations d'une génération) mi-n'importe quoi, avec un paquet
d'humour à froid qui ne passe pas toujours.
Mais il y a suffisamment de choses pour qu'on en trouve de réussies dans
le lot (quelques gags et répliques sont excellents). De quoi donner au
film un statut culte presque mérité, mais qui comme souvent ne sert, en
isolant des détails, qu'à cacher un ratage dans la globalité. Faute ici,
tout simplement à un scénario pas vraiment à la hauteur. C'est bien de
vouloir suivre la trace de DragonBall, dans la loufoquerie et les suites
de combats plus idiots les uns que les autres (un schéma repris mille
fois depuis), mais c'est extrêmement difficile à faire sans sacrifier
les personnages ou la cohérence du tout (ce qui n'est pas le cas de
DragonBall, soit dit en passant). Ici, de personnages secondaires
inutiles (l'ex de Scott, très présente dans les dialogues et qui une
fois qu'elle apparait ... n'a aucun rôle !) en combats de moins en moins
intéressants (celui des jumeaux est particulièrement insipide, seul le
troisième combat assume vraiment un côté n'importe quoi assez
réjouissant), on est définitivement réduits à aller chercher son bonheur
du côté de la mise en scène. Peut-être celle-ci a-t-elle déployée sa
flamboyance pour une cause qui ne le méritait au fond pas vraiment...
Roupoil, 7 décembre 2010.