Parmi les grands réalisateurs de films de gangsters de la
fin du siècle dernier, Coppola et Scorsese se taillent toujours la part du
lion, mais on entend moins parler de Brian DePalma, pourtant à mon avis
loin d'être insignifiant par rapport aux deux noms précédemment cités.
J'ai déjà dit ici tout le bien que je pensais de L'Impasse, il
était temps pour moi de voir son film de genre le plus célèbre (pas
forcément pour de bonnes raisons, mais après tout, devenir une référence
chez les racailles, est-ce vraiment un mauvais point pour ce genre de film
?).
Pour les plus cinéphiles d'entre nous, Scarface est avant tout un
classique d'Howard Hawks (comme d'hab, je ne l'ai pas vu). Ici, l'histoire
est fortement actualisée (par un certain Oliver Stone), puisque le
Scarface en question est Antonio Montana, réfugié cubain aux hautes
ambitions, à la détermination pour le moins affirmée et qui ne craint pas
de tremper ses mains dans le sang et la poudre.
Je ne vous laisse même pas deviner la trame générale de l'intrigue :
Montana se fait remarquer en sauvant du ratage total un petit traffic,
commence à grimper les échelons et, grâce à son franc-parler et son
sang-froid à toute épreuve, grimpe les échelons. Comme il se doit,
viennent se mêler à tout cela des affaires de coeur et de famille qui
finiront par précipiter sa chute, qui sera brutale.
Quelle originalité, n'est-ce pas ? Ceci dit, sans renouveler le genre, le
scénario de Stone est assez diversifié pour occuper les preque trois
heures du film. Peut-être tout de même un manque de densité qui fait
paraitre un peu longuette la première heure (les scènes de drague de
Pfeiffer par Pacino ne sont pas transcendantes). Quelques moments forts
(le deal avec les colombiens au début est assez impressionnant) suffisent
tout de même à De Palma pour nous mettre dans le bain (qui a osé prétendre
qu'il ne savait pas filmer ?). Et puis une fois la mécanique lancée, même
si le déroulement est prévisible, on est assez scotchés. Même quand ça
menace fort de tourner au grotesque (la scène finale pousse très très fort
dans cette direction), le côté grandiose l'emporte de justesse. Certaines
scènes font réellement forte impression (la prise de pouvoir de Montana
après la trahison de Lopez, par exemple).
Il faut dire qu'on a droit à un Pacino en grande forme dans le rôle titre.
Bien sûr, il en fait des tonnes, mais n'est-ce pas au fond la meilleure
façon de rendre ce rôle pas si facile d'un homme capable d'assumer ses
convictions jusqu'à en foncer droit dans le mur (à cause d'un accès de
sensiblerie, d'ailleurs !) ? En tout cas, sans lui, le film se casserait à
coup sûr la gueule. En fait, son problème est d'être vraiment trop daté
années 80 (la différence de style par rapport à L'Impasse est
étonnante), donc excessif, clinquant, à la limite du mauvais goût.
L'avalanche de grossièretés dans les dialogues ne me perturbe
personnellement pas le moins du monde, mais la musique de Modorer, avec
son synthé à deux balles, est aux frontières du supportable aujourd'hui.
Pour le reste, et même si l'esthétique est démodée, j'adhère complètement.
Pas au point d'en faire une oeuvre immortelle, ni de l'élever au-dessus de
L'Impasse (oui, je sais, j'en parle tout le temps, mais c'est
vraiment un film à voir), mais c'est indiscutablement un excellent
témoignage d'une époque révolue. Je n'irai pas jusqu'à en être
nostalgique, mais il y a tout de même beaucoup de bon là-dedans.
Roupoil, 24 juillet 2006.