Il manque encore quelques classiques du bon vieux Steven
dans la liste de mes critiques, en voilà un de plus qui ne sera plus à
faire. Faut dire, on cherchait un film sympa et pas prise de tête pour
passer la soirée, donc une bonne boucherie avait l'air assez adaptée. Et
je dois avouer que j'avais un souvenir relativement confus de ma
précédente vision du film, qui devait bien dater de quelques années, qui
plus est sur la petite télé de mes parents, pas vraiment le plus adapté...
Le film commence (enfin, après trois minutes dans un cimetière pour
introduire un long flash-back) par une scène devenue fameuse retraçant le
débarquement sur une plage normande, qui s'apparente pas mal à un tir aux
pigeons géant sur les pauvres ricains coincés dans leur bateau. Une fois
quelques soldats rescapés, le capitaine Miller est envoyé avec quelques
hommes récupérer un soldat anonyme pour le ramener à la maison. Son mérite
? Ses trois frangins se sont fait tuer coup sur coup et l'Etat-Major ne
veut pas accabler leur mère.
Comme la tradition le veut concernant les films sur la seconde guerre
mondiale, les critiques se sont étripés sur des questions de principe au
lieu de regarder le film. Le scénario est-il crédible ? On s'en fout, la
question est de savoir s'il est bon... Y avait-il des noirs dans l'armée à
l'époque ? Eh, Hollywood nous en met assez sans raison dans les trois
quarts de ses films à cause de ses quotas à la con pour qu'on aille pas
faire des histoires à ce sujet. On ne voit que des américains se ballader
en Normandie ? Est-ce vraiment un gros problème ? Spielberg a
manifestement voulu montrer la guerre du point de vue limité de sa petite
troupe de soldats, ce qui explique aussi qu'on ne voie les allemands que
de loin, de dos, et en train de tirer sur tout ce qui bouge. Il ne s'agit
pas de les faire passer pour des salauds, mais ils ne sont simplement pas
le sujet du film.
Dans ces conditions, me dira-t-on, pourquoi mettre à la fin la scène où
Upham se décide enfin à utiliser son flingue ? De fait, on se le demande.
Ou plutôt non, on est un peu navrés mais pas vraiment surpris que
Spielberg ait cédé à certains mauvais réflexes du cinéma américain et ait
plombé son film avec ses gros sabots. Quelques passages seraient vraiment
à supprimer pour que le film gagne en subtilité (la scène où Matt Damon
raconte une anecdote, notamment, est juste pitoyable). Spielberg aurait
certainement mieux fait de creuser un peu plus la psychologie des
personnages, qu'on a bien du mal à cerner (il n'y a que Tom Hanks qui
donne un peu d'épaisseur au sien), et surtout de se décider à prendre un
peu parti. Nos soldats se posent des questions, certes, mais ne semblent
pas avoir envie d'y apporter eux-même d'éléments de réponse...
Inévitablement, ce manque de réflexion global dans un film qui dure 2H40
finit par faire paraitre le temps long.
Pour le reste, on ne peut le cacher, Spielberg est un des grands
réalisateurs actuels, et ça se voit encore une fois. Les scènes de
bataille sont un modèle de tension et de confusion maitrisée : c'est le
bordel mais on suit tout de même ce qui se passe sans problème. Celle du
débarquement notamment laisse une forte impression, avec sa caméra
tremblante et sa violence continue. Mais on ressent d'autant plus
cruellement le manque d'intérêt de la suite du film... C'est beau (enfin,
façon de parler), c'est très bien fait, mais on reste quand même un peu
perplexe sur les motivations de Spielberg. Bien loin de La Liste de
Schindler, tout ça.
Roupoil, 3 décembre 2006.