On connaissait bien, depuis les quelques oeuvres
consacrées au sujet par Scorsese et Coppola notamment, le film de
gangsters à l'américaine. Mais dans la mesure où ces films étaient farcis
d'italiens, il fallait bien revenir à la source un jour. Voilà qui est
fait avec ce film (qui n'est peut-être pas le premier d'ailleurs, je
manque de culture cinéphile du côté de l'Italie) qui raconte, ô surprise,
l'ascension et la chute d'un groupe de truands dans la Rome des années 70.
A l'écran, on commence par une petite séquence "retour en enfance" où l'on
assiste à un fait d'armes de futurs caïds encore gamins (mais déjà
capables de rouler sur un flic avec une voiture volée) et à la création de
surnoms qu'ils garderont toute leur vie. On est ensuite projetés quelques
années plus tard, quand ils perpètrent leur premier gros coup,
l'enlèvement d'un notable qui leur rapporte une énorme rançon. Celle-ci
leurpermer de monter dans la capitale et de s'y imposer comme les nouveaux
maîtres des lieux. Un seul homme tente vraiment de s'opposer à eux,
l'inspecteur Scaiola, mais même au plus haut niveau, on lui met des bâtons
dans les roues.
Le sujet est indiscutablement intéressant, y compris pour les gens comme
moi qui ne sont pas fans de films politiques, mais pas facile à traiter de
façon condensée et efficace. De fait, le film donne la curieuse impression
d'être à la fois trop dense et superficiel. Superficiel car il se
préocuppe au fond plus des conflits de personnes que du contexte qui les
entoure, et trop dense car il tente quand même de mettre discrètement le
doigt sur la corruption généralisée des instances italiennes de l'époque.
Problème, on a du coup un peu de mal à bien suivre ce qui se passe (le
rôle exact du chauve à lunettes, par exemple, n'est pas vraiment très
clair, et l'apparition des Brigades Rouges est à peine évoqué et carrément
incompréhensible pour qui ne conait pas un peu d'histoire récente), et on
se concentre sur l'action plus que sur le reste.
Cela laisse largement de quoi occuper 2H40 de film, d'ailleurs. On a même
très peur pendant le premier quart d'heure, où Placido nous impose un
montage tellement speedé qu'il est proprement impossible de suivre ce qui
se passe à l'écran et de lire les sous-titres (pas un plan de plus de troi
secondes). C'est d'autant plus bête que c'est le moment où il est censé
nous présenter les personnages, qu'on a du mal à cerner au début. Mais ça
permet au moins de donner un ton pas déplaisant du tout à la réalisation.
Une fois que ça s'est calmé, le film devient même très agréable à suivre,
servi notamment par une brochette d'acteurs pour la plupart inconnus chez
nous mais très efficaces. Assez curieusement, le rythme se ralentit même
tellement que le film a bien du mal à se trainer jusqu'à sa conclusion,
par ailleurs assez efficace dans son classicisme.
Sentiment mitigé donc pour ce film tout compte fait un poil simpliste au
vu de ses ambitions initiales. Bon film noir malgré les quelques soucis de
rythme évoqués, mais pour l'analyse politique, on repassera. Oeuvre qui
privilégiait a priori le fond, et qui est finalement plutôt sauvée par la
forme...
Roupoil, 12 avril 2006.