Suite de ma critique duale commencée avec
Ivanhoe, faisons désormais un bond d'une quinzaine d'années en
arrière pour nous retrouver à la grande époque des débuts du Technicolor,
devant un autre classique qui fut en son temps une sorte de
Totanic : budget énorme (2 millions de dollars, tout ça !), film
très attendu et finalement très gros succès qui en fait auprès de beaucoup
de cinéphiles LA version ciné de référence de la légende de Robin de
Locksley.
L'intrigue, vous la connaissez presque si vous avez lu ma précédente
critique : le père Richard s'est fait emprisonner en Autriche comme un
boulet lors d'une croisade, et le grand méchant Jean en profite pour lui
piquer son trône. Mais point d'Ivanhoe ici, c'est le noble déchu Robin qui
va organiser la rébellion dans la forêt de Sherwood et s'arranger pour
récupérer la rançon permettant de libérer Richard. Naturellement, il aura
au passage le droit de conquérir sa belle, la pupille royale Lady Marian.
Bref, de loin, tout ça ressemble beaucoup beaucoup à Ivanhoe. De près, ça
y ressemble pas mal aussi, du moins techniquement. Les couleurs sont tout
aussi flamboyantes, les scènes de combat très bien menées également, les
décors et costumes sont ce qu'on attend de ce genre de film, même si on
pourrait presque reprocher un léger excès de zèle aux costumiers de
Robin des bois parce que les collants verts flashy bien propres
dans la forêt, on finirait presque par en faire une overdose. Le rythme
est assez proche également, même si, années 30 oblige peut-être, c'est un
peu plus morcelé ici, et par ailleurs les acteurs ont une furieuse manie
de débiter leur texte à une vitesse quasi-supersonique qui les rend
parfois un peu drs à suivre. Niveau musique, c'est un spécialiste du
genre, Korngold (compositeur classique à l'origine !) qui s'y est collé et
il connait indiscutablement son métier.
Il semblerait donc bien qu'on puisse dire que la guerre n'a finalement pas
changé grand chose au savoir faire Hollywoodien, et que les deux films ne
sont finalement que deux versions légèrement différentes de la même
histoire. Et pourtant non, ils ne font pas le même effet. La faute à un
ton curieusement détâché dans ce Robin, où on semble ne pas
tellement prendre au sérieux la grande Histoire qui sert de toile de fond.
les personnages secondaires sont de gentilles caricatures (la nounou de
Marian !!), ça baffre et ça rigole beaucoup, même dans les moments les
plus dramatiques, bref on a l'impression qu'on est surtout là pour
s'amuser, ce qui surprend un brin dans le contexte (pourtant clairement
évoqué) de famine et autres persécutions.
En fait, en exagérant à peine, on a l'impression de voir la version Disney
(postérieure à ca film de 35 ans) où on aurait juste remplacé les animaux
par des acteurs en chair et en os (qui a dit "C'est toujours ça de pris"
?). Pas surprenant du tout d'ailleurs queDisney se soit emparé du sujet,
tant le film a déjà une atmosphère, disons très familiale. Ce n'est pas
forcément un défaut en soi, mais ça me laisse tout de même personnellement
une impression un peu curieuse, qui me fait lui préférer un film moins
fantaisiste mais plus solide à mon sens comme Ivanhoe. je sais
que ce n'est pas forcément l'avis de la majorité, mais il en faut pour
tous les goûts, n'est-ce pas ?
Roupoil, 5 novembre 2008.