Disons-le tout net, je suis loin d'être un fan de Tarantino. J'ai commencé
il y a un certain temps avec Pulp fiction, comme pas mal de
monde, qui ne m'avait pas convaincu, mais il y avait des circonstances
atténuantes (c'était à une soiréeentre potes, ahem, un peu arrosée).
Deuxième tentative beaucoup plus intéressante avec Kill Bill
quelques années plus tard, que j'avais bien aimé. Enfin, la première
partie, parce que la deuxième m'avait à nouveau soulé... Mais comme je ne
désespère jamais, nouvel essai ce week-end, avec une remontée dans le
temps pour voir la première oeuvre du monsieur (sur grand écran, tout de
même).
Le film est devenu suffisamment culte pour que la plupart des gens sachent
qu'il y est question de truands désignés par un curieux code des couleurs.
Précisons un peu : six personnes peu recommandables ont été recrutées par
un caïd pour dévaliser une bijouterie. Mais le plan tourne au carnage , et
le film nous montre les retrouvailles mouvementées des survivants dans un
entrepot. Parmi Messieurs Blanc, Orange, Rose, Marron, Bleu et Blond, qui
a trahi ?
Eh ben c'est bien, je vais pouvoir me livrer à un de mes exercices favoris
: le démolissage en règle d'un film adoré par d'autres :-). Non, je ne me
suis pas réconcilié avec Tarantino. Et pourtant, ça commençait plutôt bien
: une scène de petit-déjeuner entre nos pourris qui discutent de tout et
surtout de n'importe quoi. Dialogues enlevés, décalage qui fait mouche,
une bonne entrée en matière. Puis on se retrouve directement avec deux des
survivants du braquage, dont l'un en piteux état. Et déjà, ça ne va plus,
Harvey Keitel passe cinq bonnes minutes à expliquer à Tim Roth que tout va
bien se passer, quand trente secondes auraient suffi. Rebelote un peu plus
tard, après l'arrivée d'un troisième larron, qui s'engueule pendant un
temps invraisemblablement long avec Keitel sans que rien ne fasse
progresser le film.
La suite est malheureusement du même acabit. Il y a certes, quelques
bonnes trouvailles et scènes sympathiques : le flash-back sur la
répartition des couleurs est hilarant, la danse de Michael Masen avant la
scène de torture surprenante. Mais pour un quart d'heure de plaisir, une
heure à se faire chier. Le scénario est peut-être bien construit, mais
c'est bien pour cacher sa nullité profonde (le fond de l'histoire tient en
deux lignes, et jamais, même dans les nombreux flash-backs, les tenants et
aboutissants ne sont explicités) ; les personnages sont certes portés à
bout de bras par des acteurs hyper charismatiques, mais au fond
complètement creux (pas l'ombre d'un début de tentative de cerner leur
psychologie, qui devient du coup atrocement caricaturale) ; la réalisation
est insipide (la course-poursuite de Buscemi avec les flics, par exemple,
on a l'impression que Tarantino ne sait pas trop quoi filmer) ; et enfin,
cerise sur le gâteau, les dialogues sont la plupart du temps totalement
vides. L'humour présent dans les deux scènes déjà citées manque
cruellement à tout le reste du film...
Tous ces défauts pèsent très lourd dans la balance au final. Tarantino
avait, on ne peut pas le nier, une bonne idée de départ (faire un film
de gangsters complètement décalé avec des acteurs épatants) mais il n'a
parcouru qu'une bien faible proportion du chemin qui mène au coup de
génie. Il semblerait que beaucoup de gens ne s'en soient pas rendus
compte, je dois bien avouer que j'en suis surpris, je ne comprends pas
bien comment on peut adorer en bloc ce film pour le moins imparfait.
Roupoil, 28 mars 2005.