J'aime plutôt bien De Niro en tant qu'acteur, la logique
aurait donc peut-être voulu que j'aille voir sa deuxième réalisation (pas
vu son film précédent à ce jour) et pourtant, un soupçon d'appréhension
m'avait retenu d'aller tenter le coup (trois heures c'est long) à sa
sortie. Pas de pot( ou coup de pot au contraire, allez savoir), la Mairie
de Paris s'est mêlée de l'affaire avec son opération "Trois jours, trois
euros" et le film était encore à l'affiche. Du coup, comme vous l'aurez
compris je suis allé le voir (quoi, mes intros sont pourries ? Personne
vous force à lire d'abord).
Le sujet, peut-être un peu plus devinable avec le titre en VF qu'en VO,
est la création de la CIA dans l'Amérique de l'après-guerre, vue à travers
les yeux de l'un des principaux protagonistes de l'affaire, Edward Wilson.
On suit donc pas à pas les débuts de celui-ci dans le monde de
l'espionnage au moment de la seconde guerre, puis les relations complexes
avec l'URSS avec la montée de la guerre froide, jusqu'à l'apogée de la
crise de Cuba. Le but n'étant pas vraiment de faire de l'analyse
historique, le film est essentiellement centré sur le personnage de
Wilson, et ses acitivités souvent mises en rapport avec ses déboires
familiaux, qui vont d'ailleurs influencer fortement la destinée de son
pays...
Un sujet sérieux et historique, qui induit une reconstitution soignée, une
durée appréciable, des histoires de couple compliquées, un casting étoffé,
on sent bien quelques influences prestigieuses dans la démarche de De
Niro, en premier lieu celles de Scorsese ou du Leone de Il était une
fois en Amérique. Ce qui est bien, c'est qu'il a retenu d'eux un
certain sens de la mise en scène qui, s'il n'est plus très à la mode (le
film n'est pas spectaculaire pour deux sous), est particulièrement adapté
à l'intrigue. Sobre mais classe, cela permet de se concentrer sur les
détails d'un scénario tout de même assez touffu. Si vous avez oubli tout
de vos cours d'histoire de lycée, ça risque même d'être un brin confus par
moments. Sans compter la fâcheuse tendance à présenter en trente secondes
des personnages qui vont être importants ensuite, faut pas rater les noms.
On ne peut pas nier, en tout cas, un intérêt historique évident au film
(bien que le scénario soit fictionnel d'ailleurs !). Cela suffisant à
rendre intéressantes les 160 minutes de projection, et j'ai bien envie de
dire heureusement, car l'ensemble manque quand même de densité. Matt Damon
joue bien son rôle mais le personnage est au fons assez effacé, et ses
déboires sentimentaux ne sont pas ce qu'il y a de plus palpitant. On a
même l'impression par moments que De Niro s'égare un peu et aurait mieux
fait de raccourcir un peu son montage pour bien centrer le coeur du sujet
(bon, quand c'est pour filer un second rôle à son pote Joe Pesci, on
pardonne, c'est plutôt sympa). Peut-être aussi un manque de moment forts
plombe-t-il un peu le tout (la scène de torture par exemple est très
réussi, mais à part celle-là...).
Finalement, on peut gentiment reprocher à De Niro d'avoir été un peu trop
sage. Son film est très soigné, très documenté, on en a pour son argent
(surtout à trois euros) mais c'est pas le grane enthousiasme non plus.
Disons que c'est une bonne copie d'élève sérieux, mais qu'il y a enore du
boulot pour s'approcher de la cheville du Parrain.
Roupoil, 21 aout 2007.