Ah ben ça c'est sérieux mon petit Roupoil, hein. On
laisse une critique en plan comme ça et on se rend compte trois semaines
plus tard qu'on l'avait pas finie... Retour donc sur cette deuxième
soirée de notre programme Clouzot à la maison, avec l'un de ses rares
classiques que je n'avais encore jamais vu.
Ce qui est bien avec Clouzot, c'est qu'on a peu de risque d'être
désagréablement surpris par la mise en scène. Son style sobre et efficace
sera forcément de la partie. Ce qui influe le plus sur le caractère du
film, c'est le scénario. Ici, Clouzot retrouve Steeman, qu'il avait déjà
adapté avec L'Assassin habite au 21, et cela oriente
naturellement le film du côté du polar populaire, beaucoup moins cynique
et sombre que ne peuvent l'être certains de ses autres films. Je suis bien
obligé d'admettre que ça me plait a priori un peu moins, et le début du
film me donne hélas un peu raison. Ca se déroule dans le milieu du
music-hall, où Jenny Lamour, petite poule sans envergure, se fait
remarquer d'un vieux sagouin, sous l'oeil inquiet et jaloux de son mari un
brin falot. Un peu plus tard, la sagouin meurt assassiné, et mari et
femme, présents tous les deux sur le lieu du crime (mais pas au même
moment !) commencent un dangereux jeu de cache-cache.
La description du milieu du spectacle, malgré la gouaille de Suzy Delair,
la crédibilité de Bernard Blier (assez surprenant aux yeux du spectateur
moderne qui l'a vu dans bien d'autres rôles !), manque de mordant, et on
n'est pas très loin de commencer à s'ennuyer quand le meurtre est commis.
Heureusement, à ce moment-là, un miracle se produit : Louis Jouvet entre
en action dans le rôle de l'enquêteur. Et c'est très peu de dire qu'il est
phénoménal. On a d'ailleurs l'impression que tous les bons mots lui ont
été réservés (et il y a quelques-uns d'assez grandioses), ce qui ne
surprend guère tant son abattage est phénoménal.
Le film gagne par ailleurs en intérêt avec la résolution du meurtre,
certes pas d'une originalité suffisante pour surprendre vraiment le
spectateur, mais assez rondement menée pour qu'on la suive sans rechigner.
Les personnages principaux gagnent également beaucoup en humanité vers la
fin du film, quand intervient un passage dramatique relativement
inattendu. Sans grande surprise, tout se terminera bien, mais cette
embardée suffit à faire du film plus qu'un polar à papa oublié dès le
générique passé.
Y a pas à dire, finalement, c'est quand même du bon Clouzot (mais le
mauvais Clouzot existe-t-il ?), même si ce n'est à mon sens pas le
meilleur. Mais pourquoi est-ce qu'on n'est plus foutu d'en faire de nos
jours, des films comme ça, au fond simples comme bonjour, mais qui font
tellement plaisir à voir ? Peut-être simplement parce que les Clouzot,
Jouvet et consorts ne sont plus là. Quel dommage...
Roupoil, 18 juin 2006.