Rentrée des classes effectuée, pas encore de colles à
l'horizon, ça laisse tout plein de temps libre pour se faire quelques toiles.
Et pourquoi pas tenter le dernier von Trier ou le récent Almodovar ? Eh bien
non, pour aujourd'hui, ce sera du français, inspiré d'un célèbre fait réel,
le jour même de sa sortie (oui, je sais, la critique s'est un peu fait
attendre). Pourquoi donc ce choix ? Pas vraiment de raison en fait, le film
était là au bon endroit et au bon moment pour que je me retrouve devant.
Si vous êtes des assidus des journaux télé, vous savez sûrement déjà
absolument tout de l'affaire Outreau. Dans le cas contraire (là je lève le
doigt), vous devez tout de même être au courant qu'il s'agit d'une histoire
de pédophilie qui s'est achevée par un acquittement massif et un énorme
scandale judiciaire. C'est cette sombre histoire que le film se propose de
nous raconter, via le témoignage d'un des acquittés, l'huissier Alain
Marécaux, qui a subi plusieurs années de prison, quelques tentatives de
suicide et une grève de la faim avant d'être enfin libéré.
Soyons tout de suite très clair sur ce que le film n'est pas. Vous espériez
un compte-rendu détaillé et si possible objectif de l'enquête et de ses
déficiances ? Vous ne l'aurez pas, tout est centré sur le calvaire de Marécaux
(c'est annoncé dès le départ) et complètement subjectif. Pas l'ombre d'une
nuance donc, c'est une charge virulente contre la machine judiciaire (le
fameux juge Burgaud en prend pour son grade, comme on pouvait s'y attendre,
n'intervenant que pour faire étalage de son incompétence mêlée d'un
insupportable manque d'humanité). Exagérée ? Peut-être, mais le film ne se
propose pas de juger cela. Pas plus d'ailleurs qu'il ne se propose de mener
une réflexion sur le thème au coeur du film, la présomption d'innoncence, et
les dérives qu'on peut avoir d'un côté comme de l'autre dans ce genre d'affaire
ultra-sensible.
Non, tout ce que le film prétend être, c'est un gros coup de poing dans
l'estomac du spectateur relatant la déchéance d'un homme accusé à tort. C'est
un peu regrettable dans la mesure où le film se prive ainsi assez clairement
de tout un aspect qui aurait pu le rendre vraiment essentiel (les conclusions
de la commission d'enquête menée après le scandale sur les dysfonctionnements
à tous les étages de la machine judiciaire ? On n'en parlera même pas). Mais
une fois ce parti-pris admis, le film reste très convaincant. Il doit bien
sûr énormément à son acteur principal, Philippe Torreton, complètement
immergé dans son personnage, mais aussi à une mise en scène qui réussit la
plupart du temps à trouver le bon angle et la bonne distance pour nous
faire souffrir sans nous étouffer.
Pas d'effets spectaculaires, simplement du cinéma solide et bien fait, avec
un "scénario" évidemment inattaquable. On regrettera tout de même que les
quelques personnages secondaires restent assez flous, et notamment que
l'évolution des relations entre Marécaux et sa femme paraisse si btutale et
peu compréhensible. Le film est vraiment bon quand il se consacre uniquement
sur Marécaux lui-même. En fait, ça signifie qu'il est bon presque tout le
temps. Les films judiciaires semblent à la mode en France en ce moment, je
n'ai pas vu les autres tentatives récentes (notamment Omar m'a tuer)
mais celui-ci, indiscutablement, mérite d'être vu.
Roupoil, 19 septembre 2011.