De mieux en mieux, théoriquement, pour ma revue des films
cannois français, avec celui qui a reçu le prix du Jury et pas mal fait
parler de lui depuis. Je n'avais pas tenté les précédents films de Maïwenn
car cette fille a une furieuse tendance à m'énerver, et j'ai donc mis un
certain temps à tenter celui-là aussi, mais la bande-annonce, admettons-le,
était pour une fois plutôt accrocheuse.
Il s'agit donc, par le biais de l'introduction d'un reporter photographique
au sein de la brigade (joué par Maïwenn elle-même), de suivre le quotidien
d'un groupe de flics de la Brigade de Protection des Mineurs. Autrement dit,
des gens qui cotoient à longueur de journée de la pédophilie, des gamins
battus et autres cas sociaux plus ou moins lourds à gérer. Je ne vais
certainement pas vous faire le portrait de tous les protagonistes du film,
il y en a beaucoup trop.
Maïwenn, elle, tente tout de même le coup, essayant d'ancrer ce qui au fond
ressemble quand même pas mal à un documentaire, dans un vrai cadre de fiction
"chorale" (je trouve ce qualificatif grotesque, mais c'est bien de ça qu'il
s'agit, plein de monde qui interagit plus ou moins). Ce n'est pas pour me
déplaire a priori (le docu, ça me saoûle), mais encore eût-il fallu faire ça
avec un minimum de subtilité, et ne pas y sacrifier toute tentative de
construction scénaristique. Ici, donc, les flics passent l'essentiel de leur
temps à parler de cul grossièrement, hurlent en permanence, bref sont pareil
dans leur vie privée qu'au boulot. Accessoirement, leurs histoires, pour
ceux qui ont la malchance d'en avoir une, sont clichés et sans intérêt, le
tout culminant dans une péripétie finale complètement risible.
Tout cela bouffe malheureusement pas mal de place et de temps sur ce qui
est le coeur et le principal intérêt du film, l'observation de la brigade au
travail, que ce soit dans les bureaux ou sur le terrain. Dans cette dernière
catégorie, il faut reconnaitre à Maïwenn une force de frappe certaine, avec
quelques séquences franchement réussies, comme la descente dans le camp de
roumains, ou la très forte scène de la séparation du petit black de sa mère.
On peut lui reprocher d'en faire trop (c'est de toute façon une constante
de son cinéma, comme si elle se croyait obligée d'en rajouter trois tonnes
à chaque scène de peur que ce ne soit creux), mais ça marche. On est alors
d'autant plus déçu de constater que toutes ces bribes d'intrigues ne sont
que ça, des moments captés sur le vif et jamais développés. Il n'y a pas
l'ombre d'un jugement, d'un point de vue, ou même d'une analyse de tout ce
qui est montré dans ce film. Un salaud pédophile aux relations haut placées
se fait choper, mais il est protégé, il se prend un gnon d'un flic énervé
lors de l'interrogatoire, on se pose mille questions ... on n'aura pas une
réponse. Le fait, et c'est tout. Il n'était pas forcément nécessaire de
plomber le film de scènes de tribunal pour donner un minimum de suite à
ce qui passe face à la brigade. Là, le film fait très sérieusement foutoir.
Au fond, Maïwenn a encore réussi à m'énerver, parce que son idée de film
est excellente, ses acteurs sont excellents, même la réalisation est bonne,
et pourtant le film lui-même est trop souvent irritant, tout simplement car
il n'est pas tenu. Bien sûr, il fait mal, mais avec un tel sujet c'était la
moindre des choses. En en faisant moins mais mieux, il aurait pu être
tellement plus qu'un simple coup de poing sans lendemain.
Roupoil, 28 novembre 2011.