Il y a des films qu'on peut difficilement ne pas voir
même si on n'en a pas trop envie. Je n'avais pas trop accroché à la BD de
Satrapi, dont je n'ai jamais dépassé les premières pages. Le côté
vaguement pédagogique sur l'histoire récente de l'Iran ne me passionnait
pas plus que ça, et le dessin très sommaire ne m'avait pas accroché. Mais
pourquoi alors aller voir l'adaptation au ciné ? Ben mon côté pseudo
cinéphile fait que j'ai du mal à zapper un film encensé par la critique,
alors qu'une BD, comme je n'en lis presque plus, je m'en fous. Bref, me
voila devant l'écran, en essayant de ne pas avoir trop d'a priori.
Pour ceux qui n'auraient jamais entendu parler de Marjane Satrapi, il
suffit de savoir qu'elle est iranienne exilée en France et raconte sa vie
dans ses BD (et donc maintenant au cinéma). On commence donc dans l'Iran
de la fin des années 70, où l'opposition au shah est en train de monter.
Marjane n'a pas encore dix ans, mais elle s'intéresse à la situation
politique (il est vrai que sa famille est assez active de ce point de
vue).
Eh ben vous savez quoi ? J'avais tort d'avoir des a priori. La première
partie du film, qui se déroule en Iran pendant l'enfance de Marjane est
tout simplement éblouissante. Le côté historique, loin d'être pontifiant,
est contrebalancé par la naïveté du regard de la petite fille qui reste en
permanence au centre du récit. On alterne ainsi entre des scènes
quotidiennes amusantes et des scènes dramatiques très poignantes
(franchement, gaffe si vous êtes sensibles, c'est très loin d'être joyeux
dans l'ensemble), le tout avec une liberté de ton surprenante (le nombre
de gros mots à la minute est assez élevé), incarnée notamment par
l'excellente grand-mère de Marjane.
Quand au dessin, il est tout aussi rudimentaire que dans la BD, mais les
petites idées toutes simples qui émaillent l'animation suffisent à lui
donner réellement vie, et on rentre dedans avec une facilité
déconcertante. C'est pas compliqué, on est complètement immergé dans
l'histoire, un moment de cinéma comme je n'en avais pas vécu depuis un bon
petit moment.
Et puis ... hélas, au milieu du film, Marjane quitte l'Iran pour
l'Autriche, et le film change de ton et d'esprit. Il s'intéresse désormais
à peu près au seul sort de Marjane et à ses émois d'adolescente loin de
ses racines. Ce n'est pas inintéressant, mais le charme est rompu, et on
accroche beaucoup moins à cette deuxième partie. Le côté plus banal du
sujet fait même ressortir comme des défauts les qualités du début : trop
de vulgarité, le graphisme finit par lasser, on en viendrait presque à
s'ennuyer. Heureusement, quelques scènes émouvantes suffisent à nous
accrocher jusqu'au bout (notamment après le retour de Marjane en Iran),
mais on ne peut qu'avoir un petit goût amer en sortant de la projection :
on a assisté à un demi-chef-d'oeuvre.
Roupoil, 23 juillet 2007.