Ça fait toujours plaisir de retourner au cinéma après
une période d'abstinence relativement longue (mais ça fait moins plaisir
de voir qu'on est passé du côté « plein tarif » de la barrière), surtout
quand c'est dans une obscure salle de quartier pour aller voir en VO un
film coréen interdit aux moins de seize ans et qui partage les gens...
Un homme, après une nuit au poste pour abus d'alcool, disparait
soudainement dans la rue. Il va rester quinze ans enfermé sans savoir
pourquoi. À sa sortie, c'est un monstre froid déterminé à la vengeance.
Pour cela, il va recevoir l'aide inattendue d'une jeune femme aussi perdue
que lui.
Je me garderai bien sûr de dévoiler le fin mot du scénario qui, il faut
bien le dire, est assez diabolique, mais ce qui m'a le plus impressionné
dans cette histoire, c'est la maîtrise avec laquelle le récit est conduit.
On nous en dit toujours assez pour nous tenir en éveil, mais jamais trop,
de façon à ce qu'on continue à se poser constamment des questions. Et si
certains point paraissent a posteriori un peu farfelus, peu importe, car
dans le feu de l'action, on a réllement l'impression que les
rebondissements interviennent juste au bon moment. Pour preuve de cela,
j'ai compris moi-même le fin mot de l'histoire dans la salle au moment
même où le héros ouvre la boîte qui va lui révéler le pot aux roses. Je
n'ai pas souvenir d'une telle adéquation entre ma réflection et celle d'un
personnage de cinéma depuis bien longtemps.
Au service de cette histoire forte, une réalisation qui frappe également.
Fort de préférence. Les scènes-chocs ne manquent pas, et le réalisateur
coréen n'y va pas à moitié dans la violence des étapes que va devoir
franchir le héros Oh-Dae-Soo. Pas moments, on se dit même que c'est trop :
pas forcément aux moments les plus gores d'ailleurs (l'arrachage de dents
passe très bien), mais dans la surenchère, par exemple quand le héros
tabasse une trentaine de gars armés. On n'y croit plus vraiment et on est
même pressé que ça en finisse pour passer à la suite. Ceci dit, on ne peut
que féliciter Park Chan-Wook pour sa réalisation virtuose, accompagnée
d'une musique efficace et du jeu jeu impressionnant de l'acteur principal.
J'avoue que les autres rôles me convainquent moins (le « méchant » n'a
peut-être pas l'épaisseur nécessaire pour le rôle).
Un bon film donc, un bloc sur lequel on a du mal à trouver une faille. On
est peut-être devant une sorte de série B mixant un peu tous les genres à
la recherche de l'effet qui tue (mais Tarantino fait-il autre chose, par
exemple ?), mais l'énergie du réalisateur suffit à nous faire passer un
fort bon moment et à accepter tous les excès du scénario.
Roupoil, 7 novembre 2004.