Dans la catégorie des films attendus de ce début
d'année, en voici un qui était presque en tête de ma liste (celui qui le
précédait fera l'objet de ma prochaine critique). Après quelques
tentatives plus ou moins réussies pour se diversifier ces dernières
années, c'est, nous promet-on, le retour des frères Coen à du pur cinéma
coenien, une maitrise totale en plus. Il y a de quoi faire saliver.
Dans l'Amérique profonde, à quelques pas du Mexique, un réglement de
compte a laissé quelques bagnoles prendre la poussière en plein désert,
ainsi qu'une malette contenant 2 millions de dollars. Llewelyn met la main
dessus et s'engage ainsi dans une drôle de poursuite. À ses trousses, la
police et le vieillissant sheriff du coin, mais aussi et surtout un
dangereux tueur du nom d'Anton Chigurh, pour qui le meurtre est aussi
simple qu'un lancer de pièce à pile ou face.
De quoi ? Des dollars, un sheriff, un tueur, le désert, c'est ça le scénar
? Mais on a déjà vu ça trente mille fois, on se fout du monde, là. Ben
oui, mais en fait non. On n'a jamais vu ça comme ça, car ce sont les
frères Coen, et que de fait, on reconnait indiscutablement leur patte dans
ce nouvel opus. Une pointe de décalage présente en permanence, de l'humour
absurde, et cette sorte de nonchalence qui ne fait que cacher une
réalisation d'une fabuleuse précision. Si vous aimez leur style, vous
serez en terrain connu, et savourerez le spectacle sans arrière-pensée.
Sinon, vous vous demanderez peut-être à quoi rime tout ça.
De fait, il n'est pas toujours évident de trouver un sens à tout ce qu'on
voit à l'écran. Certaines scènes ne sont là que pour se faire plaisir,
l'enjeu dramatique est au fond assez mince, et la fin laisse carrément
perplexe (il y a sûrement un sens caché très profond, mais j'avoue que là,
à chaud, je l'ai pas trouvé). On préfèrera se remémorer les (nombreuses)
scènes où Javier Bardem nous gratifie de son sourire de sadique, son
personnage étant de toute façon absolument jubilatoire.
Rien que pour lui, on ne regretterait pas d'avoir passé un peu de pote
avec ces bons vieux potes que sont les frères Coen. De toute façon, comme
je le disais ici même il y a maintenant un certain temps, on est rarement
déçus avec eux, une sorte de valeur sûre d'autant plus indiscutable quand
ils font, comme ici, du Coen pur jus. De là à dire qu'on tient leur
meilleur film, il y a un pas que je ne franchirai personnellement pas. je
me fais vieux, je crois, il m'arrive de plus en plus rarement de
m'enthousiasmer complètement pour un film, j'ai l'impression...
Roupoil, 1 février 2008.