Pour continuer cette première journée de la Fête du
Cinéma, et après films divertissants (et carrément grand public pour le
premier), il était temps de s'aventurer sur des sentiers un peu moins
rebattus, vers un film plus dramatico-romantique, plus intéressant quoi
:-).
Mona vit dans un quelconque bled avec son frère. Elle n'a jamais connu son
père, sa mère est morte, et son frère est un repris de justice reconverti
qui montre maintenant la voie à des illuminés au sein d'une pseudo-secte.
Elle croise un jour le chemin de Tamsin, en villégiature pour l'été au
même endroit, et que tout semble séparer d'elle. Pourtant, le courant va
très vite passer.
Le scénario consistant à filmer les rêveries plus ou moins amoureuses
(ici, c'est clairement plus) de deux jeunes filles qui se construisent
leur petit monde pour échapper à leurs soucis, on a déjà vu (mais si,
vous savez, Créatures célestes, du temps où Peter Jackson
dirigeait Kate Winslet, cinq and avant Titanic et dix avant
Le seigneur des anneaux !). Mais Pawlikowski ne cherche pas la
comparaison, il ajoute simplement sa modeste pierre à l'édifice, à sa
manière bien personnelle.
Bien sûr, le film est assez marqué "film d'auteur". Caméra tremblotante,
visages filmés de très près, plans sur la verdure de temps à d'autre, tout
cela est-il bien nécessaire ? Je ne sais pas, mais ici, contrairement
peut-être à d'autres films, c'est parfaitement maîtrisé et intégré dans
l'oeuvre. Il faut dire que le jeune Pawlikowski n'a pas son pareil pour
faire naître une atmosphère à partir de rien, bien aidé en cela par deux
actrices étonnantes (on voit quand même au bout de trois quarts d'heures
deux filles a priori inconciliables s'embrasser joyeusement, sans broncher
un seul instant). Utilisation parcimonieuse mais efficace de la musique,
un rythme parfaitement maîtrisé dans les scènes plus contemplatives, on
peut peut-être juste lui reprocher d'avoir voulu inclure deux ou trois
éléments qui apparemment lui tiennent à coeur dans cette relation, sans
vraie raison (le violoncelle, et surtout Nietzsche !), mais je ne peux
personnellement pas trop lui en vouloir, je fais pareil quand j'essaie
d'écrire, ça a tout le charme d'une première oeuvre :-).
Comme le film n'est quand même pas parfait, il faut bien signaler les
quelques errances du scénario : toutes les scènes faisant intervenir le
frère de Mona et/ou ses acolytes sont beaucoup plus plates, et semblent
n'être là que pour rythmer de force l'intrigue, qui en fait n'en avait
absolument pas besoin... Peut-être le réalisateur n'a-t-il pas osé faire
un film uniquement centré sur la relation entre ses deux héroïnes, alors
que la complexité de cette relation le justifait largement (je ne vais pas
tout vous dire, mais l'évolution entre le début et la fin est assez
remarquable, et le film laisse joliment quelques questions en suspens sur
la véritable personnalité de chacune des deux jeunes filles).
Un très beau coup d'essai malgré tout, auquel il manque peut-être encore
un peu de maîtrise et de confiance en soi pour être un coup de maître.
Mais à coup sûr un réalisateur à surveiller de très près pour les années à
venir.
Roupoil, 26 juin 2005.