Jusqu'à maintenant, les quelques tentatives que j'avais
pu faire dans le domaine des classiques de la comédie musicale n'avaient
pas été franchement de gros succès. Enfin, ceci dit, la dernière en date,
Le Magicien d'Oz ne m'avait pas tant déplu que ça, simplement
elle s'adressait manifestement à un public dont je ne fais plus partie
depuis un moment. Nouvel essai aujourd'hui avec un autre classique, mais
beaucoup plus récent, ce qui modifiera peut-être un peu la donne même si
ça reste du Technicolor bien pétant comme on l'aime (ou pas).
Le film est tiré d'une comédie musicale qui elle-même s'inspire d'une
pièce au thème millénaire : le créateur qui s'éprend de sa créature. Mais
ici, la variations sur ledit thème est assez amusante : un éminent
linguiste, le professeur Higgins, qui est accessoirement un infame connard
misogyne et prétentieux, parie avec un ami qu'il est capable de
transformer en six mois une pauvre fille vendant des fleurs dans la rue en
vraie lady capable d'impressionner à un prestigieux bal. Ladite fille
n'est pas tout à fait du genre à se laisser faire, et il y a déjà beaucoup
à faire pour lui apprendre à prononcer les voyelles correctement.
Sur ce pitch au fond assez léger, le film brode pendant pas moins de 2H40.
Il faut dire qu'il reprend quasiment tel quel le concept de la comédie
musicale de Broadway, avec bien sûr les numéros chantés, mais aussi des
scènes dialoguées, et même des décors, une mise en scène et des couleurs
qui fleurent bon le théâtre. Un choix manifestement très assumé, puisque
Cukor en rajoute en faisant de temps à autre une introduction de scène
très artificielle, comme par exemple lors des courses à Ascot. C'est
finalement plutôt original et l'élégance de la mise en scène (le souci du
détail est impressionnant, au niveau de la position des personnages dans
le cadre notamment) contribue à cette impression de grand spectacle
fascinant. Même la musique, sans atteindre des sommets, est constituée de
mélodies agréables, de fait à la mode des grandes comédies musicales de
Broadway.
Mais ce qui fait surtout l'immense charme de ce film, ce sont les
dialogues pétillants et la vision pleine d'ironie de la confrontation
entre deux mondes, celui de la rue et celui de l'aristocratie figée dans
ses préceptes. Chacun verra sûrement midi à sa porte, mais tout le monde
trouvera sûrement matière à rigoler, notamment quand Higgins,
formidablement interprété par Rex Harrison, lâche une de ses ahurissantes
piques sur les femmes ou sur les pauvres. Loin de se limiter à une romance
cucul, le film brasse donc assez large. On regrettera tout de même que la
deuxième moitié traine un tout petit peu en longueur (les disputes entre
Eliza et Higgins finissant par se ressembler) et se concentre justement
sur le rapprochement des deux personnages. Abréger la partie qui suit le
fameux bal aurait peut-être allégé un peu le film.
Mais ceci dit, loin de moi l'idée de prétendre que je me suis ennuyé
devant ce film pétillant de bonne humeur et de malice de bout en bout,
bénéficiant d'un savoir-faire inimitable et, répétons-le encore, qui,
contrairement justement à un film comme Le Magicien d'Oz, est
suffisamment riche pour contenter tous les spectateurs.
Roupoil, 11 janvier 2009.