Ce n'est jamais facile de retourner voir un vieil ami
avec qui on s'est fâché à la dernière rencontre. C'est un peu l'impression
que j'avais en allant voir le nouveau Spielberg, peu de temps après sa
calamiteuse Guerre des mondes. Un bon point peut-être, c'est que
le nouveau venu appartient, contrairement au précédent, à la catégorie des
films "sérieux" de Spielberg, on peut donc en espérer au moins un scénario
solide...
Pour ceux qui ne l'auraient pas deviné tous seuls, le titre fait référence
à un épisode tristement célèbre des Jeux Olympiques de 1972, la prise
d'otage d'athlètes israëliens par un commando palestinien. Le film débute
en fait par une reconstitution de la prise d'otages (qui sera reprise par
petits bouts à plusieurs reprises), mais nous raconte surtout ce qui s'est
passé après, à savoir les représailles israëliennes sur les commanditaires
supposés du massacre. On suit donc un jeune agent du Mossad dans sa
traque à travers toute l'Europe (et un peu plus), ponctuée d'attentats et
morts violentes...
Le sujet est passionnant mais reste on ne peut plus épineux, et c'est sans
surprise que Spielberg s'est fait tomber dessus par tout un tas de gens à
la sortie du film (dont les deux tiers n'ont certainement pas attendu de
voir le film pour râler). Honnêtement, je ne comprends pas trop ces
réactions. Au contraire, j'ai l'impression que Spielberg a tellement voulu
éviter de trop s'impliquer personnellement que le seul reproche qu'on
puisse faire au message qui ressort du film est d'être bien simpliste.
Tout est vu à travers les yeux d'Avner, le personnage principal, et si on
se doute que Spielberg lui a transmis une partie de ses propres
impressions, celles-ci sont de toute façon assez bateau pour qu'on les
remette en cause. En gros, les représailles ne servent qu'à accumuler les
cadavres, ceux qui vivent par la bombe périront par la bombe, etc... C'est
tellement peu original que ça ne pousse pas le spectateur un peu paresseux
à amorcer lui-même une réflexion, et par ailleurs, quelques passages
lourds de sens auraient pu être évités (le dialogue avec le palestinien
dans la chambre à Athènes par exemple, et je ne parle même pas de l'image
finale).
Mais, me direz-vous, que devient le cinéma dans tout ça ? Eh bien, pas de
grosse surprise non plus, mais avec Spielberg à la caméra, c'est plutôt
bon signe. La reconstitution est hyper soignée (le goût du détail est même
poussé pas très loin de la caricature par moments), et Spielberg nous sort
de sa manche tous les effets de réalisation qu'il connait. En même temps,
il fait ça fort bien, et ça suffit à rendre toutes les scènes d'action (ou
d'inaction d'ailleurs, car il y a pas mal de moments d'attente très bien
mis en scène) très agréables. Les acteurs sont assez efficaces, même si
Eric Bana n'est sûrement pas la dévouverte du siècle, et la musique de
John Williams, assez discrète, est un bon cru (comme souvent). Bref, c'est
du style hollywoodien classique, mais du bon.
Finalement, on en vient assez curieusement à se plaindre du temps passé à
essayer de mener une réflexion qui n'aboutit pas franchement plutôt que de
se limiter à une action plus bête et méchante. Malheureusement, le film
parait du coup assez long (le début n'est pas terrible, la visite d'Avner
chez le père de Louis n'apporte à peu près rien), ce qui ajoute sûrement à
la pesanteur du dernier quart d'heure. Ca ne rentre pas malgré tout dans
la catégorie des Spielberg ratés, mais on a tout de même l'impression
qu'il n'a pas vraiment frappé là où il visait : la reconstitution est très
bien, le message de paix passe moins bien.
Roupoil, 2 février 2006.