C'est à vieil ami que je viens rendre visite à chaque
fois que je vais voir un nouveau film de Clint Eastwood. Et ce qui est
surprenant avec lui, c'est que j'ai déjà eu droit à tout : parmi les films
déclarés majeurs, l'enthousiasme (pour Impitoyable) ou une
certaine réserve (Mystic River, certes tout à fait correct mais à
mon sens un poil surestimé) ; et parmi ceux que certains ont préféré
oublier, la déception (Créances de sang, vraiment mauvais) ou au
contraire la bonne surprise (Space Cowboys, que j'avais trouvé
d'une fraîcheur réjouissante). Ici, avec un film récemment
multi-oscarisé, c'est dans la catégorie poids lourds que Clint a décidé de
boxer.
Vous me pardonnerez ce mauvais jeu de mots pour introduire un film qui se
passe dans l'univers de la boxe. Frankie Dunn, ancien soigneur, gère
maintenant une salle où viennent s'entraîner champions et autres. un jour
débarque une fille dans cet univers jusque-là exclusivement masculin.
Après avoir dans un premier refusé net de l'entraîner, Frankie finira par
la mener aux portes du championnat du monde.
Pas de quoi s'enthousiasmer au niveau du scénario, qui est assez classique
et prévisible. de toute façon, tout dans ce film est classique. Eastwood
ne prétend pas révolutionner l'art cinématographique, il nous ressert
juste une bonne rasade de cinéma de papa. Il a une histoire à raconter, il
prend son temps pour le faire, à coup de scènes souvent faciles mais
totalement maîtrisées, une pointe d'humour par-ci par-là, la voix off de
Morgan Freeman, l'enchaînement de coups de poing dans le sac puis de
combats sur le ring, etc...
Et le pire, c'est que ça marche. On a beau se dire qu'il n'y a rien de
profondément génial dans ce film, on écoute tranquillement ce que tous ces
personnages ont à nous dire, et on en ressent un vif plaisir. Les acteurs
sont parfaits (Eastwood et Freeman dans des rôles tellement taillés sur
mesure qu'on se demande s'ils ont réllement besoin de jouer, et Hilary
Swank rayonnante dans le rôle principal), la réalisation hyper soignée, et
le fil du récit se déroule avec une précision remarquable. Quand on arrive
à la période de combats (une heure a déjà passé sans qu'on s'en rende
compte), la tension monte naturellement, et lors du combat final, celui
pour le titre mondial, on est vraiment complètement captivé. Une fois de
plus, on s'est laissé prendre par le classicisme bienveillant de Clint
Eastwood.
Et puis tout à coup, paf, une rupture dans le récit (qu'on sentait venir,
certes), et on passe à autre chose pour la dernière demi-heure. Finie
l'action trépidante, on est maintenant du côté du mélo à forte dose de
pathos. Et je dois bien avouer que j'ai un peu plus de mal à suivre Clint
pour la fin. Certes, il évite le pire, le spectateur ne se sentant jamais
mal à l'aise devant la situation décrite, mais il n'est non plus autant
impliqué que dans le reste du film. Eastwood cherche à créer de l'émotion
à tout prix, et y parvient par moments, mais c'est un peu forcé, et on
finit presque par être soulagé quand le dénouement arrive.
C'est un peu dommage, car le film, jusque là presque parfait, en ressort
alourdi. Bien sûr, c'est le scénario qui veut cela, mais peut-être eut-il
été plus judicieux de faire plus sobre et plus court. Mais bon, on
pardonne sans mal à tonton Clint, qui nous réalise une fois de plus un
fort bon film, et on espère le retrouver pour de nouvelles aventures d'ici
peu de temps.
Roupoil, 6 avril 2005.