C'est devenu une habitude depuis quelques années : dès
qu'un bouquin connait un succès mondial, et encore plus s'il a la bonne
idée d'être constitué de plusieurs tomes, hop, on met en chantier une
adaptation ciné. Les trois pavés de Stieg Larsson ayant explosé les ventes
dans un certain nombre de pays dont la France, rien d'étonnant donc à ce
que le film soit un des événements attendus de ce printemps. Le petit plus
exotique est que le film a été fait en Suède, par et avec des suédois
forcément un peu inconnus chez nous. Pour mettre les choses au point, je
n'ai moi-même pas lu les bouquins, mais ai plus ou moins fortement été
incité à voir le film par Deume, qui a quant à elle succombé de bon gré à
la Milleniumania. M'enfin, soyons honnêtes, elle a pas eu besoin de me
pousser très fort pour me convaincre.
Millenium, c'est la revue politiquement orientée dans laquelle
écrit le journaliste Mikael Blomkvist, qui est comme il se doit THE
journaliste du pays. Mais ça ne l'empêche pas de se faire avoir comme un
bleu lors d'une de ses enquêtes visant à faire tomber un industriel peu
scrupuleux. À la suite de quoi il finit par accepter la curieuse
proposition d'Henrik Vanger d'enquêter sur un île perdue sur la
disparition d'une jeune fille datant de ... plus de 40 ans. Il va être
rejoint dans sa mission par une drôle de hackeuse piercée dotée d'un sacré
talent pour démêler les énigmes.
Et il en faudra pour se retrouver dans les sombres histoires de famille
teintées de nazisme stagnant des Vanger. Un scénario somme toute
relativement classique, mais avec une certaine tendance à lorgner vers le
glauque qui n'est pas sans rappeler, cinématographiquement parlant, un
certain Seven. Comparaison qui fait un peu de mal au pauvre Niels
Arden Oplev, réalisateur du film, qui est un gentil faiseur appliqué mais
n'arrive pas à la cheville d'un Fincher. C'est d'ailleurs un des curieux
défauts du film : on y retrouve pas du tout la formidable efficacité et la
nervosité des polars américains, et en même temps ça ajoute au cachet
profondément nordique du film, qui est assez raffraichissant. On aurait
quand même aimé un peu un peu plus de nervosité (la seule scène qui
déménage vraiment est la poursuite quasi finale) et de prise de risques.
Là, on sent bien qu'on a surtout pas voulu risquer de gâcher le roc que
constitue le bouquin et qu'on a donc fidèlement suivi sa trame, pour
déboucher sur un film tout de même très linéaire et manquant de peps
(quand nos deux héros font du "Oh, mince alors, un indice qu'on avait pas
vu" récurrent, c'est assez moyen.
Quelque part, c'est assez fort, dans ces conditions, de faire un film qui
reste tout à fait regardable, et même assez prenant. La raison en est bien
sûr en premier lieu la solidité de l'intrigue et surtout le soin apporté
aux personnages (même si tout ce qui est consacré à Lisbeth dans la
première partie traine en longueur, d'où la durée un peu rude de
l'ensemble), mais aussi les acteurs qui les incarnent, impeccablement
choisis, et la musique qui colle bien à l'ambiance. On passe finalement un
très bon moment devant ce divertissement ... du moins jusqu'au dernier
quart d'heure, collage de bouts de scènes inutiles (la visite de Lisbeth à
sa mère) ou franchement en rupture de ton avec le reste. On se doute que
ces scènes prendront leur importance dans les volets suivants, mais là, ça
atténue bêtement la force du dénouement.
Quelques bémols donc, qui empêchent de trouver cette adaptation réellement
emballante. Mais ça reste du travail plus qu'honnête. À voir, qu'on ait ou
pas lu les bouquins auparavant.
Roupoil, 22 mai 2009.