Voici donc le cru 2005 de l'ami Woody, qui tourne toujours à un rythme
régulier depuis maintenant une trentaine d'années. On commençait à se
lasser un brin de ses comédies bavardes (mais souvent réussies, il faut
bien l'admettre), mais le voilà qui attire à nouveau l'attention avec un
film apparemment différent de ce à quoi il nous avait habitué. Ca méritait
bien d'y jeter un coup d'oeil...
Première nouveauté (bien que ne ce soit pas tout à fait la première fois),
Woody est complètement absent de ce nouveau film, dont l'acion se déroule
d'ailleurs en Angleterre. Dans le milieu fortuné des hommes d'affaires,
plus précisément, où un ancien champion de tennis s'introduit en se
mariant avec la soeur d'un de ses "élèves". Mais pas de bol, il se sent
finalement plus attiré par la copine de son beau-frère. Quand ces deux
derniers se séparent, Chris va commencer à jouer un jeu dangereux.
C'est donc ça, le dernier Woody, une étude de moeurs chez des anglais
friqués ? Oui ... et non. Dès l'introduction, et ce curieux début de
morale sur la place de la chance dans nos existences, on est prévenus :
comme à son habitude, Allen glisse dans son intrigue une réflexion pas
idiote du tout sur le poids des petits détails dans le cours d'une vie.
Bien sûr, on pourra trouver l'accumulation de microscopiques coïncidences
un peu facile, mais si on regarde attentivement, qu'y a-t-il dans tout ce
qu'on voit à l'écran qui ne soit pas crédible ? Bon, ok, admettons que la
rupture brutale qui intervient aux deux tiers du film est un peu dure à
avaler sur le coup (je ne saurais trop dire pourquoi, d'ailleurs, dans la
mesure où on a admis bien pire dans un paquet de films), mais à tête
reposée, elle s'insére tellement logiquement dans la progression du
scénario, et en sert tellement bien le propos, qu'on se décide à absorber
le choc et à continuer à se triturer les méninges sur l'ignoble conclusion
du film.
Car c'est bel et bien un Woody passé au vitriol que ce dernier opus. Bien
que les bons mots soient toujours présents, on rit beaucoup moins qu'à
l'habitude, ou alors un peu jaune, peur-être parce que le milieu dans
lequel se déroule l'histoire rend plus crédibles les vacheries disséminées
ça et là. En tout cas, quelle maîtrise dans la description des affres du
"héros" ! On l'observe en train de s'enfoncer dans le mensonge avec une
fascination évidente, cette première partie du film est vraiment
éblouissante. La fin reste un peu moins convaincante, notamment parce que
Woody essaie de faire passer la pilule à coup de pirouettes plus ou moins
bienvenues (et puis je trouve les scènes avec la police très moyennes).
Un peu dommage, mais ce Match point reste indiscutablement un
film à voir et à méditer. Le genre de film qui, l'air de rien, vous hante
le cerveau pour un bon petit moment. Je suis vraiment curieux de voir ce
que peut donner le prochain Woody Allen s'il continue dans cette voie. Ah,
j'allais oublier : monsieur Allen, je vous hais, réussir à me faire
admettre que du bel canto (certes chanté par le grand Caruso) peut
constituer une formidable musique de film, quelque part, ça me fait
mal :-).
Roupoil, 28 octobre 2005.