Troisième film pour la fifille à Coppola, et c'est
maintenant un événement guetté de tous, sélection à Cannes en guise de
pare-choc. J'y suis pourtant allé en trainant un tou petit peu des pieds,
pour deux raisons : la première c'est que Lost in translation,
censé être l'accomplissement de la réalisatrice, m'avait beaucoup moins
emballé que son premier opus. La deuxième, c'est la bande annonce avec son
Versailles rose bonbon sur fond de musique pop, qui ne m'avait pas trop
convaincu (je ne saurais pas bien dire pourquoi). Mais la curiosité de
voir Kirsten en Marie-Antoinette était sûrement destinée à l'emporter...
De fait, on la voit beaucoup à l'écran, le film étant tellement centré sur
son personnage principal qu'il en oublie plus ou moins le reste (j'y
reviendrai). On la découvre en princesse autrichienne encore gamine
(d'ailleurs, sans vouloir être rabat-joie, il serait temps que Coppola
trouve quelqu'un d'autre pour jouer ses héroïnes de quatorze ans), puis à
Versailles, mariée à un Louis XVI aussi prêt à se réaliser en tant que
mari qu'en tant que Roi de France. La principale problématique du film est
d'ailleurs la consommation du mariage de ces deux jeunes gens.
Mais ce n'est au fond qu'un prétexte. Car Sofia Coppola nous présente avec
cette nouvelle oeuvre tout sauf un film historique traditionnel. Les
quelques références historiques sont fort discrètes, et présentes
uniquement pour faire un peu avancer le semblant d'intrigue. Les personnes
qui reprochent les erreurs dans les détails n'ont rien compris au film :
Versailles ou pas, Coppola nous fait un nouveau film "coppolesque" à
souhait, en scrutant les émois d'une adolescente en fleur.
En ce qui me concerne, une telle approche ne me dérange pas le moins du
monde. Ce qui me gêne, c'est que je ne retrouve pas du tout d'émotion dans
ce patchwork savant de tranches de vie sans véritable fil directeur. C'est
indiscutablement très beau : costumes superbes, décors forcément
irréprochables puisque le tournage s'est fait à Versailles même, et une
fantaisie assez réjouissante dans le débordement de patisseries colorées.
Tout cela magnifié par la direction très sûre de Coppola, et un jeu
d'acteurs par ailleurs tout à fait satisfaisant (Jason Schwartzmann est
très bien en Louis XVI). Mais cette belle machinerie tourne à vide. Il ne
se passe pas grand chose, les dialogues sont quasi inexistants (et pas
très recherchés), le mélange de musique pop et de claveci d'époque ne
dérange pas mais ressemble juste à une fausse provocation qui ne suffit
pas à donner du rythme au film. Bref, Coppola compte sur la seule
atmosphère du film pour émerveiller, mais on s'emmerde plutôt. Pire, sur
les scènes au Petit Trianon, elle tombe à pieds joints dans le quasi-muet
esthétisant à la Terence Malick (je pense à son dernier film, ce n'est pas
un compliment chez moi).
Là où dans Virgin suicides chaque petit détail semblait d'une
acuité remarquable, ici tout parait anodin. Après un premier film
excellent et un deuxième tout juste correct, Sofia Coppola, à force de se
répéter, nous livre un troisième opus franchement décevant. Allez, je vous
livre mon sentiment à la sortie : j'avais l'impression de ne pas avoir vu
grand chose de plus que dans la bande annonce.
Roupoil, 4 juin 2006.