Je continue dans une série de films en noir et blanc
(c'était pas prémédité du tout !) : après le vieux mais pas trop (La
Nuit du chasseur) et le récent (La Liste de Schindler), me
voila carrément de retour aux débuts du parlant. C'est d'ailleurs le
premier film parlant de Fritz Lang, grand monsieur du cinéma dont je
n'avais encore vu aucune oeuvre (mais vous aurez peut-être remarqué que je
ne suis pas très calé sur ces périodes reculées). Quitte à en voir un,
autant que ce soit celui-ci, peut-être le plus réputé.
Dans un Berlin en proie à la crise, un maniaque trucide des petites
filles. La police est sur les dents et déploie les grands moyens pour
coincer le meurtrier, mais elle est bientôt rejointe par les gangsters de
la ville, qui voient d'un mauvais oeil les agissements du vilain.
Eh ben, pour vous le dire franchement, je suis bien embêté au moment de
taper cette critique. A tel point que j'ai failli me défiler et décider de
ne pas mettre de note (de toute façon, tout le monde sait que c'est pas la
note qui compte mais les commentaires, d'ailleurs je le dis souvent
moi-même à mes élèves ; ça ne m'empêche pas d'être le premier à mettre des
notes à tout ce que je peux en dehors de mon boulot). Et puis finalement,
je me suis dit qu'il fallait bien être honnête avec moi-même et admettre
que, tout simplement, je n'avais pas aimé ce film.
Et pourtant, je ne peux pas nier tout un paquet de qualités déjà relevées
par beaucoup de monde avant moi. Ce qui frappe globalement, c'est
l'étonnante modernité du film. Le scénario laisse la part belle à la
psychologie, et le simple fait de le centrer sur un serial killer est peu
commun pour l'époque. Quand à la réalisation, c'est encore plus étonnant :
séquences alternées (flics et gagsters par exemple) très pensées, plans
surprenants (celui pris sous le bureau du commissaire est pour le moins
inattendu), utilisation de l'ombre pour la première non-apparition de M;
si ce n'était l'absence de musique, le rythme assez lent et quelques
détails renvoyant à l'époque du muet (expressivité des visages par
moments), la façon de filmer de Lang n'a rien à envier à ce quon voit
aujourd'hui sur nos écrans (et, histoire de caser une vacherie, me semble
beaucoup plus en avance sur son temps que Citizen Kane, tourné
près de dix ans plus tard).
Mais tout cela ne fait pas un film et mon gros problème est justement que
je n'ai cessé de regarder celui-ci sous cet angle historique et que je ne
suis jamais rentré dedans, je ne me suis jamais senti simple spectateur de
ce que Lang me racontait. J'aurais du mal à dire exactement pourquoi (si
ce n'est qu'il ne se passe tout de même pas grand chose pendant près de
deux heures), mais c'est tout de même très gênant. Même pendant la
dernière scène, celle du procès, qui a tout pour être extraordinaire, je
me suis contenté de le noter sans me sentir vraiment concerné par le sort
de M. J'ai eu l'impression, malgré tout ce que j'ai pu dire plus haut,
qu'il ne se passait rien à l'écran.
N'y allons pas par quatre chemins : je me suis essentiellement fait chier
devant ce film. Je n'aurais sûrement pas eu cet avis si je l'avais vu à sa
sortie en 1931, mais en tant que spectateur du troisième millénaire, je
crains que ce genre de film ne soit pas fait pour moi.
Roupoil, 9 août 2006.