Un film sur le traffic d'armes réalisé par un
néozélandais qui n'en est qu'à son troisième film mais s'est déjà fait un
nom, avec au générique Nicolas Cage et Jared Leto ? J'achète. En espérant
que le film saura trouver le ton juste sur un sujet tout de même assez
délicat (politiquement incorrect, ou pas ?) et éviter le spectaculaire
gratuit.
En fait, ça commence plutôt spectaculairement, par un générique où l'on
suit une balle depuis sa fonte dans une usine d'armement jusqu'à la tête
d'un gamin africain. Un peu facile, mais assez bien foutu. Ensuite, Yuri
Orlov prend la parole pour nous raconter son histoire, son émigration aux
Etats-Unis, sa prise de conscience de la nécessité pour lui de se lancer
sur la voie sombre et dangereuse du traffic d'armes, puis ses ballades aux
quatre coins de la planète, au milieu des dictateurs sanguinaires et de
massacres qui le laissent froid. Bien sûr, tout ne va pas toujours bien
pour lui, et c'est sa famille qui le perdra.
De loin, la construction du film, avec sa voix off aux moments opportuns
et le grand flash-back nous contant l'ascension, l'apogée puis la chute
d'un bad guy, on pense, forcément, aux grands Scorsese (en ce qui me
concerne, surtout Casino, puisque je ne suis pas fan des Affranchis :-) ).
Pourquoi se donner une référence aussi pesante, quand on a dans les mains
un sujet en or et un casting de rêve (Nicolas Cage est définitivement un
des grands acteurs de sa génération : une fois de plus, dès la première
image, on a l'impression que le rôle a été écrit pour lui ; Jared Leto,
lui, semble tout droit débarqué de son rôle de junkie dans Requiem for a
dream, mais il fait ça si bien :-) ) ? Beaucoup se seraient contentés
d'assurer platement, mais Andrew Niccol a manifestement d'autres
ambitions. Il faut dire que le petit est plutôt doué avec sa caméra et
assume bien la référence citée plus haut. Bon, de temps en temps, il se
plante un peu (la scène où Orlov délire après avoir sniffé une substance
douteuse, par exemple, ne me convainc pas), ce qui se remarque d'autant
plus que le reste est de fort bonne facture. Alors qu'on pourrait craindre
une certaine lassitude (eh oui, même la vie d'un marchand de mort finit
par être monotone), il nous tient en éveil avec des scènes souvent courtes
et très bien calibrées. C'est plus dans l'enchaînement global qu'on peut
trouver de quoi faire la moue, la fluidité du récit étant encore assez
loin de celle d'un bon Scorsese (bon, ok, j'arrête mes comparaisons).
La volonté de donner au "héros" une vie de famille et d'insister un peu
sur ses relations avec ses proches y est d'ailleurs certainement pour
beaucoup. Les allusions du début du film à sa future famme sont
conplètement parachutées, et même ensuite, on n'arrive pas à accrocher à
cette partie de l'intrigue. Je ne me serais pas plaint si elle avait tout
bonnement été supprimée, quitte à conclure le film un peu différemment. Le
meilleur, au contraire, vient du décortiquage du boulot de Yuri, et
notamment de ses relations avec le superflic qui le course et des diverses
magouilles utilisées pour lui échapper. On ne jugera pas le réalisme du
film de ce point de vue, mais avec une petit dose de cynisme (la fin, bien
que prévisible, est assez réussie), il exploite parfaitement les
possibilités de son sujet.
C'est assez curieux que ce soit en essayant d'enrichir son film que Niccol
l'ait rendu un peu bancal, mais il aurait sûrement été préférable de se
concentrer sur le coeur du film plutôt que de vouloir englober tous les
aspects de la vie du personnage principal. En l'état, on a tout de même
une oeuvre très solide, à classer dans les films à voir en ce début
d'année.
Roupoil, 27 janvier 2006.