Allez savoir pourquoi, il y a quelques mois, mon instinct
m'avais convaincu d'éviter le précédent film d'Eastwood, premier volet
d'un diptyque sur la bataille d'Iwo Jima. Pourtant, j'ai prétendu à tout
le monde pendant quelques semaines que j'irais le voir, et finalement non.
Cette fois-ci, je n'ai pas résisté et je suis donc allé voir le second
volet sans avoir vu le premier. J'aurais mieux fait de m'en passer.
Sur la petit île d'Iwo Jima, donc, des soldats japonais se préparent
vaillamment à la bataille. Ou plutôt au massacre, vu la situation
désespérée dans laquelle ils se trouvent. Le général Kuribayashi,
fraichement débarqué, se heurte à de forts différents avec certains de ses
collègues. Le jeune Saigo, lui, ne rêve que de retourner auprès de sa
femme et de sa fille vivant. Chacun s'illustrera à sa façon au coeur de la
bataille.
Ca commence ma foi fort bien, belle introduction sur fond de musique à la
fois discrète et présente (bah si, c'est possible, môssieur, je ne vois
pas pourquoi ce serait contradictoire). Et puis on revient dans le passé
et, première constatation, le film devient très gris. Choix artistique
intéressant de la part d'Eastwood, mais que personnellement je n'apprécie
guère (ça rend juste l'image terne...). Ca n'empêche en tout cas pas le
vieux Clint de nous gratifier de quelques plans sublimes au cours du film
(celui sur la flotte américaine se dirigeant vers Iwo Jima m'a laissé sur
le cul). Par contre, ça contribue certainement à une certaine sensation de
flou sur la localisation précise des événements. Ce qui n'est pas arrangé
par un total flou temporel cette fois-ci imposé par le scénario. En gros,
on ne sait jamais très bien où on en est, ni quelle est la situation de
nos amis japonais (impossible même d'avoir une idée des forces en
présence).
En fait, ça s'explique un peu, le film n'étant manifestement pas destiné à
raonter la bataille comme l'aurait fait le film de guerre lambda.
D'ailleurs, même si on a droit à quelques figures imposées comme le
débarquement sur la plage ou le bras arraché, peut-on vraiment parler de
film de guerre ? C'est manifestement plus aux hommes que s'intéresse le
scénario. Eh ben, c'est pas de pot, parce que l'analyse psychologique est
juste mauvaise, et du coup on se fait chier. Personnages caricaturaux,
scènes répétitives faisant intervenir le fameux sens de l'honneure
japonais, et finalement une réflexion sur la guerre bien primaire, voire
parfois carrément idéologiquement douteuse : regardez, les japs, c'est pas
tous des gros cons suicidaires, y en a qui sont intelligents (ils sont
d'ailleurs faciles à repérer, ce sont ceux qui parlent anglais et ont fait
leurs études aux Etats-Unis). Et puis les ricains sont pas tous gentils, y
a aussi des abrutis qui flinguent les prisonniers.
Je ne peux pas m'empêcher de reconnaitre dans cette subtilité et cette
absence totale de manichéisme la bonne grosse pâpâte de Paul Haggis au
scénario. C'est marrant, lors de la sortie de son film Crash,
déjà, la critique avait été enthousiaste à une exception notable (le bon
vieux Télérama n'a pas perdu tous ses neurones, ça rassure), et j'avais
trouvé ça bien lourdingue au niveau du scénario. S'il continue, ca gars ne
va pas tarder à devenir un de mes sujets de blagues favori. Mais s'il te
plait, si tu tiens à écrire pour Eastwood, redonne-lui des sujets de mélo
comme Million dollar baby, qu'on puisse pardonner les gros sabots
plus facilement...
Roupoil, 2 mars 2007.