Il aura fallu attendre que Téchiné ait réalisé une bonne
quinzaine de films pour que je me décide à aller en voir un. Ma réticence
habituelle à l'égard du cinéma français ? Pas vraiment. Plutôt une simple
question de contexte, l'impression d'avoir raté la période la plus
intéressante de cet auteur, et les circonstances qui font que j'ai
toujours trouvé d'autres films à voir quand les siens sortaient. Cette
fois, la disette est suffisante pour me pousser à tenter cette histoire
qui, je dois l'admettre, ne me passionne guère a priori.
Il y est question de cinq personnages dont les destins se croisent. Manu
est jeune et beau, il vient de monter à Paris et squatte chez sa soeur,
qui rêve de devenir chanteuse d'opéra. Il est également homo. C'est ainsi
qu'il croise Adrien, un médecin plus tout jeune mais qui l'aime pour ce
qu'il est. Relation platonique d'ailleurs, ce qui ne sera pas le cas avec
Mehdi, le mari flic d'une amie d'Adrien. Tout ce petit monde s'aime et
s'engueule jusqu'au débarquement d'un personnage imprévu : le sida.
Téchiné a manifestement été marqué par cette période d'apparition de la
maladie, et tente de nous faire passer ses émotions de l'époque. Je dis
bien tente, car malheureusement ce n'est pas totalement convaincant. En
fait, il semble que Téchiné se soit retrouvé face à un dilemme : faire un
film fort tout en restant le plus objectif possible, raconter cette
histoire de l'intérieur sans prendre parti. Ainsi, la plupart des scènes
se contentent d'esquisser des pistes sans forcément les approfondir,
laissant au spectateur le soin de se construire sa propre vision des
choses.
C'est une approche intéressante, mais qui a les défauts de ses qualités.
Autant l'aspect témoignage est réussi, et l'espèce de secret concernant la
maladie est étonnant à observer pour quelqu'un comme moi qui n'a pas connu
cette époque. Mais le contrepoint, c'est qu'en tant que fiction, le film
est poussif. Certes, les acteurs font ce qu'ils peuvent, mais c'est bien
difficile d'être crédible quand on récite un texte distancié comme celui
des dialogues de ce film (je ne parle même pas de la voix off). On a beau
se passionner pour l'histoire, on reste en rade en ce qui concerne les
personnages. Du coup, pour l'émotion, on repassera.
C'est un peu dommage, car Téchiné a tout de même une maitrise du récit
certaine et la réalisation réfléchie (c'est pas toujours très beau, mais
il y a une utilisation des couleurs notamment qui fait son petit effet).
En gros, on a un peu la sensation d'être devant un film objectivement bon,
mais qui ne séduit pas totalement. Enfin, tout n'est pas perdu, ça m'a
quand même donné envie de farfouiller un peu dans la filmo de Téchiné.
Roupoil, 13 avril 2007