Pour les amateurs, l'année 2005 rstera dans les
mémoires, puisqu'elle aura vu débarquer sur nos écrans pas moins de deux
films de Tim Burton. Il n'en fallait pas moins pour les rassasier après un
certain passage à vide du maître. Mais après un net regain de forme avec
Charlie et la chocolaterie, allait-il récidiver avec ce nouveau
film d'animation, bénéficiant de la présence vocale de Johnny Depp
(toujours un gage de réussite chez Burton) ?
Soi-disant inspiré d'une histoire populaire russe, le scénario est à
la fois très classique et typiquement burtonien. Deux jeunes gens sont sur
le point de se marier, bien qu'ils ne se soient encore jamais rencontrés.
Victr est fils de marchands de poissons parvenus, maladroit et artiste
dans l'âme. Victoria est fille d'aristos fauchés cherchant à se refaire
une santé financière. Le jour de la répétition, c'est la catastrophe,
Victor alignant les bourdes. Mais il va faire encore pire : allant noyer
son chagrin dans l'air pur d'une forêt vaguement sinistre, il se marie
bien involontairement à un cadavre !
Scénario prétexte ? Oui, mais pas seulement. Certes, l'histoire est facile
et prévisible, et une bonne occasion pour Burton de mettre en scène un
monde des morts qui le fascine, mais il permet de beaux moments d'émotion
et est formidablement soutenu par des dialogues parfaits (farcis de petits
jeux de mots). Du coup, on s'attache à cette histoire, même si on sait
bien qu'on ne devrait pas, et on ne sent pas passer l'heure et quart que
dure le film (au point qu'à la fin, on soit réellement surpris de devoir
quitter la salle).
Difficile de ne pas échapper pour ce film à une comparaison avec
L'étrange Noël de Mr Jack (surtout pour moi qui ai découvert ce
dernier il y a quelques jours). Amusons-nous donc : l'animation a
certainement progressé en dix ans, et Burton réussit des effets très
réussis, notamment sur la robe de la mariée, qui ajoutent une poésie
certaine à l'ensemble. La musique d'Elfman est toujours magnifique
(peut-être un peu moins extraordibaire que celle de Mr Jack, mais ça reste
de loin la meilleure BO entendue depuis un moment), les personnages sont
peut-être moins originaux mais bêtement plus humains (et ça change tout)
et surtout le rythme est mieux maîtrisé dans ce dernier film. On ne
s'ennuie pas une seconde, les scènes survoltées s'enchainant à merveille
avec les passages plus émouvants. Bref, c'est beau, drôle et triste à la
fois, et on tombe sous le charme dès les premières secondes pour garder
les yeux écarquillés toute la séance.
Un petit reproche tout de même ? Allez, admettons que Burton se contente
un peu de recycler un matériel déjà vu dans ses autres films. Il se permet
d'ailleurs un certain nombre d'allusions à ses oeuvres antérieures. Mais
pourquoi se priver de ce réarrangement parfaitement maîtrisé, qui n'est
certainement pas loin d'être le sommet de son oeuvre ? Pour le spectateur,
en tout cas, pas d'hésitation à avoir, laissez vous emporter une fois de
plus par la magie Burton, vous ne serez pas déçus.
Roupoil, 22 octobre 2005