Voilà le retour du grand Marty. Enfin, retour, façon de
parler, car il n'a jamais vraiment arrêté de tourner, mais bien que son
dernier film (Aviator) ait déjà eu de larges proportions, ça
faisait un certain temps que Scorsese n'était pas revenu se frotter à ses
amis les gangsters. Bon, il s'agit d'un remake d'un film hong-kongais. Ma
foi, ça ne se voit pas, et n'ayant pas vu l'auree version, je me bornerai
à une critique de celui-ci pour ce qu'il vaut.
Le tout début prête presque à sourire tant on a l'impression que Scorsese
d'autoparodie. D'abord une apparition dans l'ombre de Nicholson en
méchant, citation philosophique en voix-off à l'appui, puis l'ellipse pour
passer du gamin à l'adulte, on a déjà vu ça douze fois. On aurait
peut-être pas du se moquer, ceci dit, car Scorsese semble vouloir montrer
qu'il est capable de se mettre au goût du jour en nous balançant une
première demi-heure (le temps que l'intrigue se mette vraiment en place)
rythmée au hachoir. La caméra a beau être toujours aussi précise, je
n'accroche pas trop à ce style. Heureusement, il prend plus son temps
ensuite.
Le principe de base est assez simple : d'un côté les flics de l'autre le
gang des irlandais de Costello. Dans chaque camp, une taupe s'est
infiltrée, et c'est à qui démasquera le plus vite l'intrus chez
l'adversaire. Simple mais efficace, dans la mesure où cela suffit à
instarer un climat de doute et de stress permanent. Dommage tout de même
que les personnages ne soient finalement pas très creusés
psychologiquement, alors que la présence de Madolyn en plaque tournante du
système aurait pu permettre de lancer plus de pistes de réflexions (là,
elle ne sert qu'à faire ronronner une machine bien huilée mais qui ne
brille pas par son originalité). En plus, le casting était à la hauteur :
Nicholson et Matt Damon n'ont pas vraiment à forcer leur talents dans leur
rôles respectifs de gros vilain et de froid calculateur, mais Di Caprio
arrive assez bien à rendre la fragilité de son personnage.
Mais ce qui intéresse une fois de plus Scorsese, outre la violence qui, on
se rassure, est au rendez-vous, c'est le destin tragique de ses héros.
Seulement, pour le faire ressentir, il aurait fallu faire un peu plus que
de réviser ses classiques (ce qui n'empêche absolument pas le film d'être
assez classe). Allez, soyons honnêtes, à un moment, la mort violente d'un
personnage important (je ne vais pas poiler) et les minutes qui suivent,
le film décolle vraiment au-dessus du bon produit de série. Mais on en est
déjà à la moitié, et on sent se profiler une gigantesque peau de banane
sous la caméra de Scorsese : comment finir de façon convaincante un film
comme celui-ci (le happy end consistant à récompenser le gentil Di Caprio
serait trop facile, mais autre chose bien risqué) ? Marty tâte le terrain,
se prend un peu les pieds dans le tapis, semble garder son équilibre
malgré tout, puis retombe lourdement avec une dernière demi-scène vraiment
inutile...
Malgré quelques fulgurances et un style intact, on ne peut pas dire que le
dernier Scorsese soit un grand film. Un bon film, certainement, mais qui
ne vaut pour moi pas mieux que Les Affranchis, c'est dire qu'on
peut mieux faire ;-).
Roupoil, 2 décembre 2006