Mine de rien, ça faisait un certain temps que je n'avais
point vu de film du grand Pedro au cinéma. La sélection de son dernier
opus à Cannes (vous me direz, c'est le cas pour à peu près tous ses films,
mais comme cette année j'ai décidé de voir tous les films cannois...) est
une bonne occasion de renouer avec le cinéma pétillant du plus célèbre des
cinéastes espagols actuels.
De cinéma, il est beaucoup question dans ce film, puisqu'il raconte
l'histoire de Mateo Blanco, un réalisateur et scénariste qui a du
abandonner la première activité après qu'un accident de la route l'ait
laissé aveugle. Il va raconter la longue histoire ayant précipité cet
accident à Diego, le fils de son agent, qui lui tient compagnie et l'aide
à écrire ses scénarios. Tout remonte au milieu des années 90, lors de la
réalisation de son dernier film, une comédie pour laquelle il engage la
belle Lena, amante d'un vieux requin de la finance.
Une histoire d'amour qui, on l'aura compris, finira mal, et qui est somme
toute d'un classicisme de bon aloi. S'il n'y avait la petite originalité
consistant à la dérouler dans le milieu du cinéma, on n'aurait
l'impression d'avoir déjà vu ça cent fois. Hmmm, peut-être qu'on a quand
même un peu cette impression, d'ailleurs, car Pedro a bien du mal à nous
surprendre avec ses retrournements très téléphonés (la dernière révélation
de Judit est tellement évidente et dispensable qu'on se demande d'ailleurs
pourquoi Almodovar a cru bon de nous l'imposer).
Mais admettons le scénario, qui reste un prétexte à l'étude d'une galerie
de beaux personnages, habités par des acteurs solides (pour la plupart des
habitués d'Almodovar). qu'est-ce qui fait alors qu'on accroche pas autant
que d'habitude ? Un rythme mal maitrisé, un peu trop rapide au début, et
franchement lent lors des flashs-backs ? L'absence quasi-totale de
l'humour et de la fantaisie qui ont longtemps caractérisé le cinéma
d'Almodovar (c'est presque triste de le voir citer son propre Femmes
au bord de la crise de nerfs à tout bout de champ, tant on a
l'impression que ce n'est pas une oeuvre du même cinéaste qu'on a sous les
yeux) ? Peut-être effectivement le manque de folie est-il un problème.
Certains personnages auraient pourtant pu l'apporter, mais restent à
l'état de caricatures (le fils Martel notamment). Pour la première fois
certainement, et à ma grande surprise, j'en viendrais presque à taxer
Almodovar d'académisme pour ce film.
Et pourtant, n'enterrons pas trop vite le maitre, le potentiel,
l'élégance, le style sont toujours là, et suffisent d'ailleurs à créer de
temps à autre des scènes d'une beauté envoutante. Seulement voila, la
sauce est trop plein de grumeaux pour réellement monter, et un sentiment
de frustration domine à la fin de la séance.
Roupoil, 1 juillet 2009