Bon, comme ça m'arrive de temps à autre, j'ai boulettisé en entamant une
critique et en oubliant de la finir. Allons-y donc, mais ça fait
maintenant un petit bout de temps que je l'ai vu. Pas très grave, ce n'est
pas le type de film qu'on oublie deux jours après l'avoir vu, comme
souvent avec Peckinpah. Pour ceux qui me suivent régulièrement, vous vous
souvenez peut-être que j'avais bien aimé Apportez-moi la tête
d'Alfredo Garcia, d'où cette nouvelle tentative.
Pas du tout le même genre de film, puisque Peckinpah délaisse ici son
genre habituel, le western, pour nous plonger dans la campagne anglaise,
où un jeune scientifique américain (eh ouais, avec les lunettes et les
formules au tableau qui ont même l'air crédibles) vient emmenager avec sa
blonde, originaire du coin. Il se rend rapidement compte que l'atmosphère
au village est loin d'être détendue : vieilles rancoeurs mal dissimulées,
et sa femme qui attire les convoitises (note du critique : ça se
comprend). La situation se pourrit petit à petit, jusqu'aux drames (oui,
au pluriel) et à déchainement de violence final inattenu de la part de
notre héros.
Une évidence, c'est qu'on ressort de ce film assez sonné. Non pas que les
images elle-mêmes soient extrêmement violentes pour nos standards actuels
(même la scène du viol, qui a apparemment fait hurler les foules à
l'époque, ne montre essentiellement rien, ce qui ne l'empêche pas d'être
très perturbante à cause de la réaction dérangeante de la nana), mais une
atmosphère malsaine imprègne tout le film. Sa grande réussite est
d'ailleurs là : suggérer en permanence un climat délétère sans insister
lourdement, ce qui rend la montée en puissance de la violence
particulièrement crédible. L'inconvénient, c'est qu'il faut du coup
attendre un petit bout de temps avant que ça ne se mette réellement en
route...
Ceci dit, l'attente est largement justifiée, tant le climax dramatique que
constitue l'assaut final de la maison est maitrisé. Il est pourtant loin
d'être facile, après une telle accumulation de tension, de faire exploser
tout cela sans que ce ne soit décevant. Peckinpah y parvient très bien, et
le sourire final de Dustin Hoffman reste gravé dans notre mémoire pour un
petit moment. Immoral, ambigu, nihiliste ? Le film pose en tout cas plus
de questions qu'il n'en résoud, et c'est aussi cela qui fait son attrait
(il laisse beaucoup plus de portes ouvertes que son célèbre cousin
Orange mécanique qui, dans un style différent, s'interrogeait
aussi sur la violence, et a suscité les mêmes réactions houleuses ;
décicément difficile de faire des films intelligents sur des sujets
délicats sans choquer le bourgeois).
Un détail tout de même m'a empêché de mettre une note plus élevée au film
(qui, sur le fond, le mériterait indiscutablement), ce sont les choix de
réalisation. Le montage est souvent extrêmement haché, au point que ça en
devient physiquement difficile (attention les yeux...). Je comprends que
ça puisse participer au climat tendu de l'ensemble, mais ça ne justifie
pas pour moi que certaines scènes soient à la limite du regardable.
Sinon, pas grand chose à signaler, le film fait ses 35 ans mais Peckinpah
a le sens du détail, et les deux acteurs principaux sont excellents dans
des rôles pas faciles. Bref, un film à voir, indiscutablement, un pionnier
d'un genre finalement pas très abordé aujourd'hui (si ce n'est pas un
Michael Haneke, qui divise d'ailleurs l'opinion comme ont pu le faire ses
prédécesseurs, comme quoi les temps ne changent pas tellement).
Roupoil, 22 novembre 2006