Les Chiens de paille,

film de Sam Peckinpah (1971)



Avis général : 7.5/10
:-) C'est malsain, déstabilisant, ambigü, sans être gratuit. La montée progressive de la violence est terriblement bien foutue.
:-( Ca met un peu de temps à se mettre en place. Mais surtout, le montage est extrêmement fatigant.

Bon, comme ça m'arrive de temps à autre, j'ai boulettisé en entamant une critique et en oubliant de la finir. Allons-y donc, mais ça fait maintenant un petit bout de temps que je l'ai vu. Pas très grave, ce n'est pas le type de film qu'on oublie deux jours après l'avoir vu, comme souvent avec Peckinpah. Pour ceux qui me suivent régulièrement, vous vous souvenez peut-être que j'avais bien aimé Apportez-moi la tête d'Alfredo Garcia, d'où cette nouvelle tentative.

Pas du tout le même genre de film, puisque Peckinpah délaisse ici son genre habituel, le western, pour nous plonger dans la campagne anglaise, où un jeune scientifique américain (eh ouais, avec les lunettes et les formules au tableau qui ont même l'air crédibles) vient emmenager avec sa blonde, originaire du coin. Il se rend rapidement compte que l'atmosphère au village est loin d'être détendue : vieilles rancoeurs mal dissimulées, et sa femme qui attire les convoitises (note du critique : ça se comprend). La situation se pourrit petit à petit, jusqu'aux drames (oui, au pluriel) et à déchainement de violence final inattenu de la part de notre héros.

Une évidence, c'est qu'on ressort de ce film assez sonné. Non pas que les images elle-mêmes soient extrêmement violentes pour nos standards actuels (même la scène du viol, qui a apparemment fait hurler les foules à l'époque, ne montre essentiellement rien, ce qui ne l'empêche pas d'être très perturbante à cause de la réaction dérangeante de la nana), mais une atmosphère malsaine imprègne tout le film. Sa grande réussite est d'ailleurs là : suggérer en permanence un climat délétère sans insister lourdement, ce qui rend la montée en puissance de la violence particulièrement crédible. L'inconvénient, c'est qu'il faut du coup attendre un petit bout de temps avant que ça ne se mette réellement en route...

Ceci dit, l'attente est largement justifiée, tant le climax dramatique que constitue l'assaut final de la maison est maitrisé. Il est pourtant loin d'être facile, après une telle accumulation de tension, de faire exploser tout cela sans que ce ne soit décevant. Peckinpah y parvient très bien, et le sourire final de Dustin Hoffman reste gravé dans notre mémoire pour un petit moment. Immoral, ambigu, nihiliste ? Le film pose en tout cas plus de questions qu'il n'en résoud, et c'est aussi cela qui fait son attrait (il laisse beaucoup plus de portes ouvertes que son célèbre cousin Orange mécanique qui, dans un style différent, s'interrogeait aussi sur la violence, et a suscité les mêmes réactions houleuses ; décicément difficile de faire des films intelligents sur des sujets délicats sans choquer le bourgeois).

Un détail tout de même m'a empêché de mettre une note plus élevée au film (qui, sur le fond, le mériterait indiscutablement), ce sont les choix de réalisation. Le montage est souvent extrêmement haché, au point que ça en devient physiquement difficile (attention les yeux...). Je comprends que ça puisse participer au climat tendu de l'ensemble, mais ça ne justifie pas pour moi que certaines scènes soient à la limite du regardable. Sinon, pas grand chose à signaler, le film fait ses 35 ans mais Peckinpah a le sens du détail, et les deux acteurs principaux sont excellents dans des rôles pas faciles. Bref, un film à voir, indiscutablement, un pionnier d'un genre finalement pas très abordé aujourd'hui (si ce n'est pas un Michael Haneke, qui divise d'ailleurs l'opinion comme ont pu le faire ses prédécesseurs, comme quoi les temps ne changent pas tellement).

Roupoil, 22 novembre 2006



Retour à ma page cinema