Comme vous le savez sûrement maintenant, une fois de
temps à autre, ça me prend : il faut que j'aille voir les derniers films
encensés par la presse, même si quelque chose au fond de moi me dit que ce
n'est pas une bonne idée. Quoi à gagner en effet à aller voir le dernier
film de Garrel ? Trois heures d'ennui ? Admirer une nostalgie d'une époque
que je n'ai pas connue ? Me voilà en out cas dans une salle plus peuplée
que ce que je ne pensais (un dimanche à 10H50 !) et heureusement
confortable (au pire, je pourrai dormir tranquille ;-) ).
Ca se passe donc aux alentours de mai 68. Une bande de jeunes gens
traverse les événements, puis les années qui suivent, entre malaise,
amour, espoir et opium.
Difficile d'en dire plus tellement la construction du récit chez Garrel
(c'est le premier film de lui que j'ai l'occasion de voir) est
surprenante. On a l'impression qu'il appose par-ci par-là les bouts
d'existence (de souvenirs ?) qui l'intéressent, sans trop se préocupper du
confort du spectateur. Le film se permet ainsi l'exploit d'être très long
et lent, et néanmoins extrêmement elliptique. Peu de dialogues, presque
pas d'explications (savoir ne serait-ce que le nom des personnages n'est
pas du tout évident), les événements en eux-même n'intéressent que très
peu le réalisateur. Au début, il faut bien l'avouer, c'est assez
perturbant : on assiste à Mai 68 pendant une demi-heure, mais sans rien
comprendre à ce qui se passe et en ayant l'impression de voit tourner en
boucle les mêmes images. Mais n'est-ce pas là le sentiment qu'ont pu avoir
les gens ayant vécu cette période de l'intérieur ?
Et puis le film avance, se concentre un peu plus sur le personnage joué
par Louis Garrel, et on finit par se faire à cette mise en scène curieuse.
Simplement en scrutant les visages de ses acteurs, avec une économie de
moyens fabuleuse, Garrel réussit à faire passer non seulement des
émotions, mais toute l'atmosphère d'une époque et réussit un double
exploit : rendre le film totalement parlant même aux yeux d'un petit jeune
comme moi (pas sûr ceci dit que ça passe très bien hors de nos
frontières), et le rendre également passionnant en dépit du manque de
rythme et d'action (sans parler du noir et blanc assez radical qui en
rebutera peut-être). Encore plus étrange, ce sont sûrement les moments les
plus calmes (ah, ces plans fixes sur les visages immobiles) qui sont les
plus captivants.
Hélas, il se perd un peu dans la dernière demi-heure et nous laisse sur
une impression mitigée au moment de l'épilogue. Mais malgré tout, on sort
assez satisfait de la projection, avec la sensation d'avoir découvert un
cinéma réellement différent, dont la simplicité apparente cache un beau
travail de réflexion. Si vous avez (beaucoup) de temps à perdre,
l'expérience mérite d'être tentée.
Roupoil, 30 octobre 2005