Les Amants réguliers,

film de Philippe Garrel (2005)



Avis général : 6.5/10
:-) Une radiographie crédible d'une jeunesse à la fois désabusée et active. Les plans fixes qui, pour une fois, ne sont pas prétexte à un ennui profond.
:-( C'est tout de même très long. Et on a parfois un peu de mal à suivre Garrel.

Comme vous le savez sûrement maintenant, une fois de temps à autre, ça me prend : il faut que j'aille voir les derniers films encensés par la presse, même si quelque chose au fond de moi me dit que ce n'est pas une bonne idée. Quoi à gagner en effet à aller voir le dernier film de Garrel ? Trois heures d'ennui ? Admirer une nostalgie d'une époque que je n'ai pas connue ? Me voilà en out cas dans une salle plus peuplée que ce que je ne pensais (un dimanche à 10H50 !) et heureusement confortable (au pire, je pourrai dormir tranquille ;-) ).

Ca se passe donc aux alentours de mai 68. Une bande de jeunes gens traverse les événements, puis les années qui suivent, entre malaise, amour, espoir et opium.

Difficile d'en dire plus tellement la construction du récit chez Garrel (c'est le premier film de lui que j'ai l'occasion de voir) est surprenante. On a l'impression qu'il appose par-ci par-là les bouts d'existence (de souvenirs ?) qui l'intéressent, sans trop se préocupper du confort du spectateur. Le film se permet ainsi l'exploit d'être très long et lent, et néanmoins extrêmement elliptique. Peu de dialogues, presque pas d'explications (savoir ne serait-ce que le nom des personnages n'est pas du tout évident), les événements en eux-même n'intéressent que très peu le réalisateur. Au début, il faut bien l'avouer, c'est assez perturbant : on assiste à Mai 68 pendant une demi-heure, mais sans rien comprendre à ce qui se passe et en ayant l'impression de voit tourner en boucle les mêmes images. Mais n'est-ce pas là le sentiment qu'ont pu avoir les gens ayant vécu cette période de l'intérieur ?

Et puis le film avance, se concentre un peu plus sur le personnage joué par Louis Garrel, et on finit par se faire à cette mise en scène curieuse. Simplement en scrutant les visages de ses acteurs, avec une économie de moyens fabuleuse, Garrel réussit à faire passer non seulement des émotions, mais toute l'atmosphère d'une époque et réussit un double exploit : rendre le film totalement parlant même aux yeux d'un petit jeune comme moi (pas sûr ceci dit que ça passe très bien hors de nos frontières), et le rendre également passionnant en dépit du manque de rythme et d'action (sans parler du noir et blanc assez radical qui en rebutera peut-être). Encore plus étrange, ce sont sûrement les moments les plus calmes (ah, ces plans fixes sur les visages immobiles) qui sont les plus captivants.

Hélas, il se perd un peu dans la dernière demi-heure et nous laisse sur une impression mitigée au moment de l'épilogue. Mais malgré tout, on sort assez satisfait de la projection, avec la sensation d'avoir découvert un cinéma réellement différent, dont la simplicité apparente cache un beau travail de réflexion. Si vous avez (beaucoup) de temps à perdre, l'expérience mérite d'être tentée.

Roupoil, 30 octobre 2005



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