Suite de ma retrospective Scorsese personnelle : après
avoir testé Aviator au cinéma l'autre jour, c'est au tour d'un
classque plus ancien, et cette fois-ci devant ma télé. Au vu de la
quasi-unanimité de commentaires élogieux concernant ce film, je
m'attendais à me réconcilier avec Scorsese après la petite déception
d'Aviator. Au risque de me fâcher avec tous ses fans, je dois avouer que
ce ne fut que partiellement le cas.
Le film est basé sur un bouquin retraçant l'histoire vraie d'un
mafieux. Pas de grosse surprises au niveau du scénario donc, on suit pas à
pas l'ascension d'un jeune irlandais fasciné par les gagsters dans la
Mafia du New York des années 60, ses coups les plus spectaculaires,
quelques meurtres par-ci par-là, ses engueulades avec sa femme (faut dire
qu'il est beau gosse et pas très fidèle), un petit séjour en prison,
l'arrivée de la drogue, puis la déchéance et la dénonciation des vieux
amis pour s'en sortir (presque) indemne.
Un tel scénario étant de toute façon solide et surtout très
riche, la question était de savoir quel traitement Scorsese allait lui
infliger, et quels moments il sélectionnerait pour illustrer la vie
d'Henry Hill. La première demi-heure est très prometteuse, on y voit le
jeune Henry fasciné par ses voisins italiens, puis faisant ses premières
armes de gangsters et connaissance avec tout le milieu par la même
occasion. Et puis insensiblement, l'intérêt faiblit et on finit même en
bout de course par ne plus énormément s'intéresser au destin de Henry. La
faute peut-être à un manque de liant entre les différences séquences : on
a un peu l'impression que Scorsese a cherché à nous montrer la vie
quotidienne d'un gangster à travers une succession de scènes marquantes,
mais sans réussit à former avec le tout une grande fresque passionnante.
Par ailleurs, beaucoup de scènes en elle-mêmes valent le détour (notamment
les accès de violence assez peu prévisibles), et surtout, il y a une chose
qui passe très bien dans ce film : c'est que la Mafia forme une famille,
un milieu convivial où on aime cuisiner pour les autres et où on se sent
tout à fait protégé. Brasser les millions et tuer une ou deux personnes à
l'occasion devient tellement routinier que la possibilité de se faire
prendre un jour n'inquiète pas du tout Henry, qui semble même un peu
inconscient de ce qui se passe autour de lui. Ce sentiment est accentué
par le jeu de Ray Liotta, pas franchement convaincant dans ce rôle. En
braqueur accompagné de Joe Pesci (comme d'habitude parfait dans un rôle de
petit nerveux, mais on commencerait presque à s'en lasser), il n'est même
pas vraiment crédible, et il manque globalement de charisme. Ses disputes
avec sa femme font ainsi pâle figue à côté de celles du couple Sharon
Stone-Robert de Niro que Scorsese filmera un peu plus tard dans
Casino. Comme par ailleurs De Niro n'est pas non plus au sommet
de sa forme, on a peut-être une autre explication au manque de mordant du
film.
Je n'ai même pas pris le temps de préciser que la réalisation de Scorsese
était impeccable, mais c'est une habitude chez lui. Malgré cela, le film
n'est pas à la hauteur de sa réputation. Certes, on le regarde avec un
certain intérêt, mais sans non plus se sentir vraiment pris au jeu. Dans
la catégorie des films de gangsters, je continue à préférer assez
nettement Le Parrain ou L'Impasse.
Roupoil, 3 avril 2005