7 Les Adieux à la reine


Les Adieux à la reine,

film de Benoit Jacquot (2011)



Avis général : 5.5/10
:-) Pas planplan pour deux sous, et souvent des idées intéressantes.
:-( On ne sait pas trop où ça veut nous mener, des effets ratés.

Ah, le nouveau film de Jacquot est enfin sur nos écrans ! Je suis sûr que, comme tout cinéphile qui se respecte, vous attendiez vous aussi avec impatience le nouveau chef-d'oeuvre d'un des plus grands représentants du cinéma français actuel. Non ? Pour être franc, ça ne me surprend pas plus que ça. Benoit Jacquot, c'est un cas typique de cinéaste de critiques : la presse s'enflamme à chacun de ses films ou presque, et le punlic ne suit pas le moins du monde. Il semble ici avoir atteint un sommet, les critiques étant franchement élogieuses, et le box-office une fois de plus très quelconque. Le moment rêvé de découvrir ce grand auteur méconnu. J'exagère d'ailleurs, puisque j'ai déjà vu un de ses films, même s'il s'agissait d'un cas un peu particulier : sa tentative d'adaptation filmée de la Tosca avec Alagna et Gheorghiu (pas inintéressant).

La reine du titre, c'est Marie-Antoinette, plutôt à la mode dans les salles obscures en ce moment. Et les adieux sont ceux de quelques servantes qui s'enfuient devant la menace de la Révolution en 1789. Une grande fresque historique ? Pas vraiment, puisque toute l'action (ou plutôt la rumeur de l'action) est concentrée dans les murs de Versailles, et vue à travers le prisme de tous ces gens qui constituent l'essentiel de la Cour, à la fois nobles et valets, plus particulièrement de la lectrice de la Reine, Sidonie Laborde, qui lui voue une admiration sans faille.

Si vous êtes venus pour assister à du grand spectacle, passez votre chemin, ce n'est pas pour vous. À vrai dire, même après avoir vu le film, difficile de dire exactement à qui il s'adresse. C'est même sûrement ce qui fait que le film déroute le public : Jacquot ne fait pas du tout du cinéma prêt-à-porter, qui vous impose à chaque scène sa vision des choses et les émotions qui doivent vous submerger. Au contraire, ici, on a droit à beaucoup de propositions de cinéma, discrètes mais toujours intéressantes, parmi lesquelles le spectateur piochera selon ses goûts. On a donc, entre autres, de la musique style "gros suspense à Versailles" assez anachronique, des dialogues assez bizarrement récités (bon, ça, on aurait pu s'en passer, en début de film, on craint même le gros nanar), des scènes de dialogue presque systématiquement filmées frontalement (par exemple les deux personnages assis sur un canapé face à face, caméra en face), ou encore l'insertion de scènes intimistes dans un cadre de foule inattendu.

De toute façon, le sujet du film, s'il y en a un, c'est Versailles vu des coulisses, cette étonnante façon de vivre l'Histoire tout en en étant presque exclu de par son statut social. Rumeurs, manigences et autres hiérarchie complexe et usages compliqués, l'étude de ce microcosme est assez passionnante. On a d'ailleurs l'impression que Jacquot a pris plaisir à y caser de très bons seconds rôles (monsieur Moreau, la copine de Sidonie) quand les têtes d'affiche théoriques sont presque sacrifiés (la Reine étant simplement insupportable, et Polignac quasiment absente). Quand au rôle principal, celui de Sidonie, il est en permanence à l'écran et néanmoins en retrait, véritable spectateur, ce qui convient au fond assez bien à Léa Seydoux (quand même pas l'actrice la plus fabuleuse qu'on ait jamais vue). Mais certains seront peut-être frustrés de ne jamais vraiment savoir quoi que ce soit à son sujet.

C'est en fait un défaut du film cohérent avec ses qualités : à force de ne rien vouloir nous imposer, Jacquot frôle dangereusement le creux, ou du moins l'insignifiant. Pas vraiment d'ennui sur la durée assez limitée du film, mais pas non plus de scène où on se sent pris aux tripes et où on a envie de s'écrier "Ah, ça, là, c'est vraiment bon". Non, c'est constamment intéressant, mais le film ne nous impose jamais son génie, tout bonnement parce qu'il n'en a pas. Une demi-réussite...

Roupoil, 10 avril 2012



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