Le Septième continent,

film de Michael Haneke (1989)



Avis général : 8/10.
:-) Intrigant puis franchement glaçant, un film qui marque et donne à réfléchir.
:-( Comme toujours chez Haneke, c'est froid.

Le retour d'Haneke dans ma page critiques aura été rapide puisqu'à peine quelques semaines après avoir vu Funny games US au cinéma, je suis tombé sur un intéressant coffret DVD regroupant les trois volets de sa trilogie de début de carrière dite de la glaciation émotionnelle. Tout un programme ! De fait, il y a bien un point sur lequel Haneke n'a guère évolué en vingt ans, c'est que son cinéma n'appartient définitivement pas à la catégorie divertissement.

Le septième continent (titre un peu énigmétique qui n'est pas explicitement expliqué dans le film, mais qui se comprend bien malgré tout) nous narre trois ans de la vie d'une famille gentiment bourgeoise dans l'Autriche actuelle (enfin, de l'époque du film). Enfin, narrer n'est pas vraiment le terme, car il n'y a pas d'intrigue à proprement parler pendant les deux tiers du film, on suit jute ce couple et sa petite fille dans son quotidien le plus banal et ses problèmes tout ce qu'il y a de moins originaux. Mais ces petites fêlures vont finir par mener à une décision pour le moins brutale de la part de notre petite famille.

On ne peut pas vraiment en dire plus sans dévoiler le principe du film (mouarf au passage pour le résumé grotesque disponible par exemple sur le site d'Allocine, ils ont pas tout à fait compris le film), attardons-nous donc un peu plus sur la forme que sur le fond. Pendant une heure donc, on a droit à une succession de petites tranches de vie, mais Haneke refuse systématiquement de se centrer sur les personnages. La plupart du temps, ce sont les objets qu'il filme en gros plan, accentuant l'impression de banalité et de répétition, et les coupures au noir systématiques entre les scènes se font la plupart du temps au moment où la scène commence à s'installer et que le spectateur attend donc assez raisonnablement qu'il se passe un événement notable. Ceux qui sont allergiques à ce genre de procédé s'enfuieront très vite, mais cela suffit à installer une curieuse atmosphère pesante et dérangeante alors qu'il ne se passe objectivement presque rien. Fort, le mec, quand même !

Et puis, dans la dernière demi-heure, c'est la rupture (mais pas au niveau du style !), la violence (presque pas montrée directement, comme souvent avec Haneke), le choc. Si on avait été dérangés sans trop savoir pourquoi auparavant, là on est anéantis par ce final d'autant plus désespérant qu'il est inéluctable puisqu'annoncé dans le film par le père de famille. Ce que je trouve encore plus fort que dans un Funny games, c'est qu'ici le film n'est pas une simple démonstration théorique jouant à fond du vecteur cinématographique, mais un drame affreusement réaliste. C'est bel et bien notre vie anodine qu'Haneke nous lance à la figure, les dérives de notre société et les extrémités auxquelles elle peut mener (on a du mal à regarder sa télé de la même façon à la fin du film).

Difficile à regarder (le film est objectivement chiant à certains moments pendant sa première partie, mais bon, c'est le concept), difficile à apprécier selon nos critères habituels, Le Septième continent est pourtant un modèle de précision et d'efficacité dans sa dénonciation, un film qui marque, une claque impressionnante de maitrise qui surpasse pour l'instant les oeuvres ultérieures que j'ai pu voir d'Haneke. Un film peu connu mais qui mérite incontestablement d'être découvert.

Roupoil, 15 août 2008.



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