Le Ruban blanc,

film de Michael Haneke (2009)



Avis général : 7.5/10
:-) Une histoire palpitante et pleine de tension de bout en bout. En plus, c'est beau.
:-( Le message de Haneke à la fois peu clair et trop appuyé.

Bon, ben voilà, ça y est, après avoir vu la moitié des films en compétition à Cannes, me voilà devant celui qui a obtenu la récompense suprême. Si j'étais mauvaise, je dirais bien qu'il ne devrait de fait pas avoir trop de difficultés à se placer au-dessus des autres candidats, donc aucun jusque là ne m'a complètement convaincu. De toute façon, étant presque un habitué des films de Haneke, je sais que ça ne peut pas être totalement inintéressant. Chiant par contre, c'est possible, surtout quand le film dure près de deux heures et demie (durée standard pour un film cannois de nos jours, apparemment).

Ce à quoi nous convie une fois de plus Haneke, c'est à l'analyse d'une société gangrénée par le mal, mais là où il nous change un peu nos habitudes c'est qu'il remonde près d'un siècle en arrière pour nous poser au milieu d'un village allemand à la veille de la première Guerre Mondiale. Un village a priori comme n'importe quel autre, avec son baron qui maltraite plus ou moins ses paysans, son pasteur bien psychorigide, son mèdecin et son instituteur un brin naïf. Mais de curieux évènements ne vont pas tarder à se produire : c'est d'abord le mèdecin qui est victime d'un accident de cheval qui n'en est manifestement pas un (un fil tendu entre les arbres), puis une ou deux morts suspectes achèvent de mettre le village sous haute tension. Les vieilles rancoeurs ne tardent pas à ressortir de leur trou.

De loin, ce genre de scénario pourrait faire penser à une trame de policier vachard type Le Corbeau de Clouzot, mais sans grande surprise, ce qui intéresse Haneke est plus le côté vachard que le côté policier de la chose. D'ailleurs, on ressortira de la salle sans être très certain de quoi que ce soit, les auteurs des crimes n'étant pas vraiment identifiés. Et peu importe d'ailleurs puisque là où Haneke excelle (une fois de plus), c'est dans l'instillation d'une ambiance malsaine et dans la mise en place de règlements de compte d'une violence glaciale mais d'autant plus insoutenable.

Il s'appuye pour celà sur une reconstitution en noir et blanc très contrasté à la fois magnifique et inquiétante, et bien sûr sur son petit lot de scènes inoubliables, au premier rang desquelles figure sans doute l'ahurissante rupture du mèdecin et de la sage-femme. Mais c'est loin d'être la seule, le film dans son ensemble est remarquablement construit, et on ne s'ennuie pas une seconde (enfin, du moins en ce qui me concerne, et ceux qui ne pensent pas de même feraient bien de fuir en courant quelques-uns des précédents films du réalisateur autrichien). L'analyse d'une société étouffante et de personnages tous moins joyeux les uns que les autres est réellement remarquable.

Pourtant, il y a quelque chose qui me chiffone un peu dans ce film. depuis ses premiers films, je préfère toujours un Haneke narratif (Le Septième continent, son immense premier film, qui n'explique absolument rien) à un Haneke démonstratif (Benny's video, qui s'attarde trop sur les conséquences). Ici, le film est narrativement parfait, et semble ne pas chercher à prouver quoi que ce soit, comme l'indique sa fin sybilline. Pourtant, Haneke ouvre carrément son film par une phrase qu'on ne peut pas rater, prétendant relier tout ceci à des "évènements futurs" dans lesquels on ne peut pas ne pas voir planer l'ombre du nazisme. Ca me laisse perplexe. Je n'ai pas vraiment l'impression que ce film ait grand chose à voir avec ce qui a pu se passer vingt ou trente ans plus tard en Allemagne. Haneke lui-même explique à propos de son film qu'il n'est pas dirigé spécialement vers le nazisme, mais vers tous les régimes autoritaires. Pourquoi pas, mais dans ce cas, pourquoi aiguiller le spectateur de façon aussi précise ? Ce dernier sera sûrement capable de tirer les leçons qu'il veut de ce qu'il a vu à l'écran...

Malgré cette petite réserve, ce Ruban blanc est certainement l'un des films à voir de cet automne, et comme prévu, se place largement au-dessus des autres sélectionnés cannois. Peut-être même au-dessus de la plupart des autres films de son réalisateur...

Roupoil, 4 novembre 2009.



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