Dans le genre film mythique, David Lean a donné une
contribution plus que raisonnable au septième art. Eh bien figurez-vous
que, malgré les innombrables diffusions télé, je n'avais jamais vu un seul
de ses grands films. C'est maintenant chose faite, pour le meilleur ou
pour le pire...
Quelque part au fin fond de l'Asie, pendant la deuxième guerre mondiale,
un régiment de soldats anglais se retrouve dans un camp au milieu de la
jungle dirigé d'une main de fer par le vilain Saïto. Celui-ci les mobilise
pour construire, devinez quoi ? Un pont ! Devinez où ? Sur la rivière Kwaï
! Le problème c'est qu'il veut faire bosser tout le monde, officier
compris, et que ça ne plait pas au colonel Nicholson, pas du genre à
rigoler avec le règlement. Un bras de fer s'engage.
Est-ce que je peux dire honnêtement que j'ai été déçu avec ce film ? Non,
pas vraiment, dans la mesure où ça ressemble tout à fait à ce à quoi on
s'attend. Mais oui quand même, justement parce qu'il ne se démarque jamais
de l'idée qu'on se faisait à l'époque d'un grand film. Et si certains
points demeurent indiscutables (le casting est impressionnant, Guiness en
tête dans son rôle d'officier borné dont on se demande pendant tout le
film s'il est à plaindre ou à admirer), d'autres passent moins bien la
rampe aujourd'hui : le scénario est tout de même bien léger pour justifier
les presque trois heures de film. Dès le début, on s'enlise dans la
confrontation Saïto-Nicholson, qui ne devient intéressante qu'au bout
d'une bonne demi-heure, quand les convictions du japonais commencent à
vaciller. De même, les ballades dans la jungle avant le finale sont bien
longues et répétitives. On ne s'ennuie jamais vraiment car le découpage
des scènes est assez bien foutu, mais on se demande parfois où nous emmène
Lean. Un geste de bienveillance nous fera par ailleurs oublier quelques
scènes aux limites du grotesque, notamment l'évasion de Shears.
Autre problème, inhérent à la date de réalisation et au genre du film : il
misait certainement (à raison à l'époque) sur le côté grand spectacle,
avec décors naturels exotiques et scènes d'action épostouflantes pour nos
grands-mères. Pour nous, malheureusement, rien d'inoubliable dans tout ça.
La jungle est fort pâle comparée à celle, par exemple, d'Apocalypse
now, et ce n'est pas un pétage de pont qui va impressionner les
jeunes d'aujourd'hui. Et j'éviterai de m'appesantir sur la musique,
caractéristique de ce qui se faisait à l'époque, assez insupportable
aujourd'hui (des pouêts lourdingues pour accentuer les scènes qui n'en
ont pas besoin...).
Tout ceci étant dit, le film est loin d'être mauvais, et la soirée qu'on
passe devant passe assez vite. Mais il faut juste le prendre pour ce qu'il
est : un beau vestige du cinéma de papa, un peu poussiéreux, mais qui
tient encore tout à fait correctement sur ses jambes. Vous pouvez encore
le faire voir aux gamins, ils ne devraient pas trop se moquer de vous.
Roupoil, 18 juin 2006