C'est à un monument du septième art que s'attaque
ma plume virtuelle aujourd'hui, et même le plus grand d'entre tous si on
en croit le vote de nos amis américains sur le site d'imdb. Bon, dans la
mesure où ils classent les trois épisodes du Seigneur des anneaux
parmi les dix plus grands films de tous les temps, ce n'est peut-être pas
non plus une référence absolue de cinéphilie avisée, mais ça reste un bon
indice, d'autant plus qu'il ne s'agit pas d'un film si « grand public »
que ça.
Qui n'a en tête l'image d'un Brando bouffi quand on évoque Le
Parrain ? Et pourtant, il n'est qu'un des personnages importants de
cette immense fresque. Vito Corleone dirige l'une des cinq familles de la
mafia new-yorkaise, au sortir de la seconde guerre mondiale. Et le nom de
Famille n'est pas usurpé, car s'il est bien des liens sacrés dans ce petit
monde, ce sont ceux du sang. En l'occurence ceux qui lient Vito à ses
trois enfants, Connie dont il célèbre le mariage au début du récit, Sonny
l'impulsif désigné à la succession, laquelle viendra plus vite que prévu
quand le Parrain est victime d'un attentat, et enfin Michael, de retour de
la guerre, fiancée à une américaine, et qui semble le plus éloigné du «
business » de son père. C'est pourtant lui qui finira à la tête de
l'empire, suite à un spectaculaire revirement, et c'est lui également le
personnage central du film.
Que dire sur ce film qui n'ait déjà été dit ? Je ne pense pas qu'il soit
réllement nécessaire d'insister sur la performance des acteurs ou sur la
solidité du scénario. Pour tenir le spectateur en haleine pendant presque
trois heures, il était de toute façon nécessaire d'avoir un sujet à la
hauteur. C'est indiscutablement le cas, et la construction exemplaire du
film rend hommage à la puissance de l'histoire.
Et pourtant, je ne suis pas entièrement emballé (sinon, ce n'est pas 8/10
que le film aurait eu). Bon, bien sûr, le début est un peu lent, il faut
le temps de mettre la mécanique en route, mais ça ne me pose pas vraiment
de problème dans la mesure où, une fois qu'on est rentré dans le film, on
n'en sort plus, et où les scènes choc réussissent toujours leur effet.
Mais ça manque malgré tout selon moi d'un peu de personnalité dans la mise
en scène. C'est impeccable, là n'est pas la question, mais peut-être trop
lisse, trop classique pour pouvoir y trouver plus que la très bonne copie
d'un élève appliqué. Ainsi, la scène où Sonny va tabasser le mari de
Connie manque à mon avis cruellement de violence. C'est d'autant plus
dommage qu'on a connu Coppola plus inventif dans sa mise en scène
ultérieurement, dans
Le film se résume du coup à une longue accumulation de scènes certes
parfaitement réussies, mais qui rendent l'ensemble très linéaire. C'est
peut-être volontaire de la part de Coppola (après tout, ça colle plutôt
bien au type de narration effectué) mais ça transforme le film en monument
dont tout le poids retombe sur les épaules des dialogues (notamment dans
les nombreuses scènes de réunion) et des acteurs. Fort heureusement, de ce
point de vue, il n'y a pas l'ombre d'une critique à faire sur le film, qui
mérite tout de même sa réputation d'oeuvre majeure du septième art.
Roupoil, 21 novembre 2004