Une adaptation du roman-culte de Süskind, il
fallait bien que ce soit tenté un jour, mais il faut bien admettre que les
doutes l'emportaient plutôt sur la curiosité en ce qui me concerne, tant
la transcription de la prose du romancier allemand à l'écran semblait
délicate. Süskind lui-même doutait apparemment de la pertinence d'une
transcription en images puisqu'il refusa longtemps de céder les droits du
livre, notamment après le refus d'un certain Stanley Kubrick d'endosser la
responsabilité de la réalisation (c'eût été, n'en doutons pas,
intéressant, mais on ne refait pas l'histoire). C'est finalement un
compatrioite de Süskind, le jeune Tom Tykwer, remarqué en ce qui me
concerne pour son court-métrage dans le patchwork de Paris, je
t'aime, qui s'y colle.
Pour ceux qui n'auraient pas lu le bouquin (ce que je ne saurais que vous
conseiller de faire, il vaut mieux que le film), sachez que le titre est
plus qu'une simple indication, il constitue l'obsession de l'étonnant
héros qu'est Jean-Baptiste Grenouille. Celui-ci est né dans des conditions
pour le moins difficiles dans le Paris du 18ème siècle, mais doté d'un don
extraordinaire : celui de reconnaitre et maîtriser les odeurs comme nul
autre. Guidé par sa volonté de capturer et créer les parfums les plus
enivrants, il deviendra parfumeur puis meurtrier.
Je peux bien révéler cette facette du personnage puisque les auteurs du
film ont cru bon de l'inclure dans le titre... Pas terrible pour le
suspense, mais l'histoire étant comptée sous forme de flash-back, c'était
assez difficilement évitable. On a ensuite droit à une bonne vieille
voix-off qui reprend les mots de Süskind sur fond d'illustration
finalement peu bavarde des principaux épisodes du livre. Pas besoin donc
d'attendre très longtemps avant d'être fixé sur ce qui sera à la fois la
principale qualité et le grand défaut du film : c'est une adaptation
fidéle, classique, du bouquin.
La coproduction est assez luxueuse pour qu'on n'ait pas grand chose à
redire sur la forme : reconstitution très soignée (le Paris de l'époque
est vraiment crédible), belle image, distribution (anglophone...)
constituée de vieux briscards qui assurent et de nouveaux venus qui se
glissent bien dans leur rôle (Ben Whishaw arrive à créer un mélange
bienvenu de séduction et d'inquiétude, et Rachel Hurd-Wood, malgré sa
couleur de cheveux grotesque ;-), est très crédible en personification de
la beauté). Mais tout cela manque terriblement d'inspiration et de
mouvement. Tout à fait agréable quand il s'attarde sur les techniques de
parfumerie, le film peine à nous faire adhérer d'une façon ou d'une autre
au monstrueux projet de Grenouille.
Là où le livre réalisait l'exploit de rendre palpable un monde
essentiellement constitué d'odeurs, son contrepoint visuel se contente
d'une illustration très jolie, mais qui tourne en rond avec ses gros plans
répétitifs de nez reniflants. Il tourne aussi un peu long, les deux heures
et demie du film ne semblant guère justifiées. Même si on ne s'ennuie pas
vraiment. En fait, à force de refuser systématiquement la prise de risque,
le film a réussi à atteindre une sorte de parfaite neutralité : même dans
la scène de l'orgie sexuelle de Grasse, ce n'est ni réussi ni raté, ni
choquant ni prude. On regarde tout cela défiler en se demandant parfois ce
qu'on fait dans la salle, mais sans déplaisir...
Roupoil, 27 octobre 2006