Le retour de Terrence Malick, après quelques années
d'absence. Enfin, on va finir par ne plus le dire vu qu'à la fréquence à
laquelle il tourne, c'est un perpétuel retour chez lui. J'avoue avoir été
assez surpris la première fois que j'ai vu la bande annonce de voir son
nom accolé à une reprise de l'histoire de Pocahontas. Malick après Disney,
quelque part, ça ne colle pas. De fait, on est très très loin ici du
dessin animé.
Un beau jour donc, les Anglais débarquent en Amérique. Mais ici, c'est
plurôr l'Amérique qui voit débarquer les anglais, puisque tout se passe vu
du rivage américain. Lesdits anglais installent donc leur camp pas loin du
rivage, mais aussi pas loin d'une tribu d'indiens. D'un côté comme de
l'autre, on se veut plutôt pacifiste méfiant, mais ça finira bien par se
friter un peu. Ceci dit, Malick s'en fout, puisqu'il s'intéresse surtout à
la relation vite ambigue (puis beaucoup moins) qui va lier une jeune
indienne (une des nombreuses filles du chef local, mais apparemment sa
préférée) à John Smith, mercenaire de son état.
Pendant quelques minutes, on pense que Malick va effectivement nous faire
le film attendu, récit historique, mais assaisonné à sa façon, dans une
sorte de réalisme poétique où on plonge au coeur des paysages et des
hommes. En fait, pas du tout. Son sujet, il s'en contrefout. L'intrigue
est traitée n'importe comment, pas fluide pour deux ronds, les scènes qui
la font avancer étant même parmi les plus mauvaises du film (par exemple
quand Smith revenu au camp se fait piquer le commandement par un vilain).
Quand au réalisme, la barbe impeccable du héros suffirait à le foutre en
l'air. Non, sans grande surprise finalement, le réalisateur nous a pondu
un objet philosophico-contemplatif, beaucoup plus poussé que son précédent
film, La ligne rouge, qui tirait déjà de ce côté-là.
Le bon point, c'est que du point de vue contemplatif, c'est réussi. Les
images sont superbes, et le montage de Malick très réussi, bien qu'un peu
caricatural de son style (et allez que je te mets un joli plan sur la
forêt ou sur des fleurs). Ca suffit même à maintenir la curiosité éveillée
pendant un bon quart d'heure. Ensuite, hélas, on craque (et le film est
alors mortellement long), car de l'autre côté, le philosophique, c'est une
catastrophe totale...
Pas l'ombre d'un début de réflexion cohérente ou intelligente, les
dialogues sont navrants et les apartés en voix-off se veulent subtils et
ne sont que totalement creux, on est parfois stupéfait de la vacuité de ce
qui nous est infligé (exemple parmi tant d'autres de phrases sans queue
ni tête : "We're like grass" (nous sommes comme l'herbe) balancé au milieu
d'une scène, sans lien avec ce qui précède ni ce qui suit). Le tout servi
la plupart du temps par un Colin Farrell complètement à côté de la plaque
en curieux mélange de figure christique et de héros romantique (ses
efforts désespérés pour faire passer de l'émotion à travers son regard
sont tout bonnement pathétiques). On a beau invoquer Wagner et Mozart pour
faire passer le tout (le reste du temps, on a droit à du James Horner,
plutôt en progrès : deux mélodies potables en deux heures de film), on a
surtout l'impression qu'on se fout vaguement de notre gueule.
Je parlais de Disney au début, j'y reviens : Malick a réussi une sorte
d'exploit, en me faisant préférer mille fois la version animée à sa
tentative de résurrection du mythe. A la limite, s'il avait respécté son
parti pris jusqu'au bout, et viré toutes les voix off, se contentant de
maigres dilogues et d'impressions visuelles, l'expérience aurait pu être
intéressante. Telle quelle, elle est ridicule, sans réussir à vraiment
être risible. On ne meurt pas de rire devant ce film, mais d'ennui.
Roupoil, 23 février 2006