Il est relativement rare que je me déplace au
cinéma pour aller voir des films français, mais s'il s'agit en plus d'un
film résolument affiché comme parlant de politique (avec de vrais
morceaux de Jospin dedans), il y avait a priori de quoi me faire fuir
très loin (enfin, moins loin que si le film n'affichait pas ses
sympathies pour la gauche, naturellement). Mais bon, ce jeudi-là, il n'y
avait, pour changer, pas grand chose à l'affiche, et le choix se
réduisait pour moi à Potiche ou Le Nom des gens.
J'aurais pu faire le choix sans grand risque avec le film d'Ozon,
sûrement suffisamment bien foutu et drôle pour passer un bon moment.
J'ai préféré jouer la carte de l'inconnu Leclerc.
Tout commence donc par une intervention d'Arthur Martin (rien à voir
avec les cuisines) à la radio en tant qu'expert ornitho-légiste (ça se
passe en pleine grippe aviaire). Alors qu'il est en pleine explication
du principe de précaution, Bahia Benmahmoud, jeune femme pleine
d'allant, l'interpelle en direct. Fille d'immigré algérien bien que ça
ne se voit pas, elle est profondément opposée au facho et applique une
politique très personnelle pour les convertir. Sauf qu'Arthur n'a rien
d'un facho, mais une histoire familiale un brin compliquée.
Au moins, s'il est bien une chose qu'on ne peut pas décemment reprocher
à ce film, c'est de se contenter de marcher dans des sentiers battus et
rebattus comme le font tant de comédies. Là, on part assez résolumment
dans tous les sens, sans jamais faire dans le facile ou le déjà vu. Ca
ne suffit bien sûr pas à faire un grand film, et au début, on a
d'ailleurs bien du mal à être convaincu. Les flash-back sur la jeunesse
des héros sont franchement ratés et les premières rencontres entre nos
deux zouaves ne sonnent pas juste. Quant aux scènes de nu de la miss
Forestier, à part peut-être une allusion au surréalisme d'un Delvaux,
elles ne servent pas à grand chose.
Mais il faut être patient, car le film trouve petit à petit sa voie,
fable politique (rien de bien réaliste dans tout ça) où les péripéties
et personnages ne sont que prétexte à traiter de sujets de société sous
un angle décalé, à coup de dialogues piquants (le film a le bon gout de
quitter assez rapidement la veine comique de situation pour se
concentrer sur la parole) et de situations plus ou moins incongruës
(évidemment, l'arrivée de Jospin fait moins d'effet quand on sait
qu'elle doit se produire, mais c'est tout de même une scène rigolote).
On en finit même pas être touché par le passé de ces drôles de
tourtereaux, même s'il condense de façon un peu trop cumulative quantité
de "problèmes" qui ne font pas toujours bon ménage.
Le trop-plein est aussi à l'oeuvre dans un dernier quart-d'heure où on
ne croit plus vraiment à grand chose et on se contente d'attendre de
voir comment tout ça se terminera. Mais bon an, mal an, ce film très
généreux et définitivement foutraque laisse une impression assez forte,
pas totalement positive et certainement assez éphémère (ce sera de toute
façon inregardable dans 15 ans au vu de la quantité d'allusions à la vie
politique française récente). Drôle, drôle de bestiole que voila.
Roupoil, 6 décembre 2010