Le Labyrinthe de Pan,

film de Guillermo del Toro (2006)



Avis général : 8/10
:-) La greffe entre film historique et fantastique prend très bien. C'est prenant, surprenant, violent et beau à la fois.
:-( Des images de synthèse un poil voyantes. Et les épreuves ne sont pas très originales, mais ça se justifie...

Allez savoir pourquoi, avant même d'entrer dans la salle, ce film, je le sentais bien. Peut-être parce que la bande-annonce laissait entrevoir un univers fantastique et tourmenté comme je les aime ? En tout cas, je me l'étais réservé comme conclusion et (j'espérais) apothéose de mon après-midi cinéma (d'ailleurs plutôt bien commencée), dans un élan d'optimisme béat puisque je n'avais encore jamais eu l'occasion de me frotter à l'univers du réalisateur, dont la filmographie n'était jusqu'ici pas si impressionnante. Je n'ai pas été déçu.

A la fin de la guerre civile, dans une forêt perdue au fin fonde de l'Espagne, les combats continuent à faire rage entre les rebelles, planqués dans les hauteurs, et les franquistes menés par le très peu amène capitaine Vidal. Sa femme, sur le point d'accoucher, le rejoint avec Ofelia, sa fille d'un premier mariage. Celle-ci est une grande amatrice de contes de fées. Elle va bientôt faire des découvertes surprenantes dans le labyrinthe attenant à la propriété.

Del Toro s'est lancé dans un défi jamais facile à relever : insérer une part de fantastique dans une histoire qui ne s'y prête guère a priori, tentant ainsi d'aborder le drame historique sous le forme incongrue d'un conte de fée. On pense forcément à Tim Burton (je ne suis aps le premier à faire allusion à propos de ce film), et pourtant l'optique de Del Toro est radicalement opposée à celle du grand Tim : là où Burton, dans Edward aux mains d'argent, fait resurgir subtilement la cruauté dans un monde réel aux couleurs fantaisistes, le fantastique de Del Toro sert d'échappatoire à une réalité extrêmement sombre. L'entrée du labyrinthe est ici fortement déconseillées aux enfants, les scènes de violence étant fort nombreuses et assez marquantes. Même les échappées vers le fantastique se font dans une atmosphère sombre et angoissée (de nuit, dans la forêt...). Mais, et c'est bien là l'essentiel, les deux aspects du film se marient à merveille. Comme je suis un infatigable râleur, je ne peux tout de même m'empêcher de constater que les effets spéciaux sont parfois voyants, même s'ils sont dans l'ensemble très beaux (disons que le faune est tellement mieux que le vilain crapaud en images de synthèses...).

Autre (faux) point faible du film, la simplicité apparente du scénario. Certes, l'univers imaginaire n'est pas d'une originalité débordante (le coup de l'épreuve où il ne faut surtout rien manger, on l'a déjà vu ailleurs) mais c'est une sorte de nécessité de cohérence (je vais pas vous raconter la fin, mais sachez tout de même que celle-ci est magnifique ; il est tellement dur de bien finir, là, c'est sûrement le plus beau moment du film). Quand à l'affrontement entre très vilains franquistes et (forcément) gentils maquisards, il est affreusement manichéiste. Oui, certes, mais c'est un conte, et ce conte ne tiendrait pas debout si le peronnage de Vidal n'était pas une ordure jusqu'au bout des ongles et Mercedes une sorte de sainte inattaquable. Si vous n'êtes pas contents, retournez voir des films crédibles et chiants comme la pluie.

Là, c'est au plus profond de nous que Del Toro cherche à nous atteindre, et on peut dire que dans l'ensemble, le bougre vise sacrément juste. Je n'ai même pas eu le temps de dire le bien que je pensais des acteurs (la jeune Ivana Baquero, très bien, et Sergi Lopez, impressionnant une fois qu'on a admis qu'il devait en faire le plus possible dans l'antipathie) et de la musique (qui, niveau mélodique, fait un peu penser à un certain Danny Elfman, comme c'est curieux). Bon, j'arrête là mes louanges, dans un genre pas facile, c'est une très belle réussite. Et vu le peu de films emballants auxquels on a eu droit cette année, ce serait vraiment dommage de rater celui-ci.

Roupoil, 2 novembre 2006.



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