Un film qui met la musique classique à l'honneur, ce
n'est pas si fréquent que ça, et souvent prétexte à une oeuvre scolaire
ou rasoir, quand ce n'est pas les deux à la fois. Mais pour une fois,
voila que débarque un film sur le sujet qui a certes l'air d'être un
gros truc bien commercial, mais qui bénéficie plutôt d'une bonne
réputation et de la présence toujours agréable à l'oeil de Mélanie
Laurent en violoniste virtuose.
Mais au début du film, c'est en Russie que ça se passe, où le sieur
Filipov, ancienne star de la baguette, est devenu homme de ménage au
Bolchoï suite à la grosse colère de Brejnev quand il a refusé de virer
les musiciens juifs de son orchestre. Un beau jour, une occasion
inespérée de remonter son vieil orchestre pour aller faire un concert au
théâtre du Châtelet (mais oui, notre bon vieux Châtelet parisien) se
présente. Il va peut-être enfin pouvoir se débarasser de ses vieux
démons en jouant sur scène le concerto de Tchaikovski, avec en soliste
une violoniste française à laquelle il voue une amdiration qui semble
receler quelque chose de plus compliqué que le simple émerveillement de
l'artiste.
S'il y a bien une chose évidente au vu du gros succès du film auprès du
grand public, c'est que la musique classique a encore un gros vivier
potentiel d'adeptes, et qu'incontestablement Tchaikovski et son
romantisme quasi dégoulinant passent fort bien sur grand écran. Mais
soyons honnêtes, il n'y a pas que Tchaikovski qui soit mis à l'honneur
dans le film, puisque les nombreuses (quoique souvent courtes)
illustrations musicales puisent dans un répertoire assez varié et sont
toujours fort bien choisies (y compris, à ma grande joie, un bout de
mouvement lent de première de Mahler, évidemment déchirant dès la
première note). Seul bémol niveau musique : pourquoi avoir essayé de
faire croire que la fameuse séquence finale du concert était constituée
d'un seul jet musical continu, alors qu'on a (nécessairement, le
concerto étant évidemment trois fois trop long) inséré trois coupures
très moches (mais sans interruption de la musique, donc) dans la
partition de Tchaikovski, dont deux à l'intérieur du premier mouvement
qui sont assez injustifiables ? Quelques extraits bien choisis (en
mettant la sourdine pour les confessions en flash-back) auraient été
beaucoup plus judicieux.
Mais bon, la musique est là pour son pouvoir lacrymogène sur les
spectateurs, et de fait ça fonctionne assez bien. Heureusement
d'ailleurs, parce que pour le reste, le film est tout de même une grosse
machinerie très lourde et il faut être bien indulgent pour y trouver de
quoi s'enthousiasmer. Scénario pas bête mais hyper prévisible, dialogues
ras des pâquerettes, humour très très facile, avec grosses caricatures à
la clé (les juifs qui font leur business, ça va deux secondes...),
réalisation totalement impersonnelle et pour finir des invraisemblances
ahurissantes (l'orchestre qui joue plus faux qu'un regroupement de
débutants au début du concerto puis qui tout à coup se met à jouer
parfaitement...), ça fait beaucoup.
En fait, ce qui est assez perturbant, c'est que Mihaileanu fait du
cinéma de papa, comme on n'en voit plus depuis les comédies familiales
des années 70 ou à peu près. La linéarité du scénario et l'absence
totale d'originalité des gags sont à peu près rédhibitoires pour espérer
faire un bon film de début du 21ème siècle. Restent quelques séquences
émotion qui atteignent leur cible, et définitivement, la musique,
l'immortelle musique. Mais ça ne vaut pas un bon concert, un vrai (par
contre, un conseil, si vous n'êtes pas des habitués des salles
parisiennes, évitez de vous précipiter au Châtelet après avoir vu le
film, il est beaucoup plus beau vu depuis la scène que du public
derrière les piliers...).
Roupoil, 14 novembre 2009.