Il est des films dont on a l'impression que, quand on ne
les a pas vus, on rate une partie des références implicites d'une bonne
tranche de la population quand on fait allusion à un certain thème. Même
si je suis un peu trop jeune pour faire partie de la génération qui a été
marquée par le film à sa sortie, Le Cercle des poètes disparus
fait partie de cette catégorie. Dès qu'on s'engage dans une discussion sur
la poésie, ou même qu'on parle de profs marquants (ce qui m'arrive
curieusement de temps à autres), il y a des chances que quelqu'un cite ce
classique de la fin des années 80. Pas moins de vingt ans ont passé
depuis, Ethan Hawke a continué à faire la star (les autres acteurs un peu
moins), et Peter Weir a sortir un film tous les cinq ans (assez souvent
remarqué d'ailleurs), mais ce classique, lui, comment a-t-il vieilli ?
C'est la rentrée des classes à l'internat de Welton, un charmant endroit
où les méthodes d'enseignement et la discipline semblent tout droit
sorties du siècle précédent. Enfin, du moins jusqu'à ce que le nouveau
prof d'anglais, John Keating, ne décide de faire réellement découvrir la
poésie à ses élèves. Un petit groupe de fans se constitue rapidement,
parmi lesquels Neil Perry, en gros froid avec son intransigeant papa qui
ne veut pas le laisser participer à une quelconque activité extrascolaire
alors qu'il ne rêve que de théâtre. Il y a également Todd le timide, Knox
l'amoureux, Charlie la grande gueule, ou Steven le geek avant l'heure.
Bref, une belle brochette de jeunes gens un poil caricaturaux dont on va
suivre les aventures ultra prévisibles au long de l'année scolaire. Allez,
franchement, je ne veux pas être méchant avec film qui respire la bonne
volonté, et qui reste très soigné et agréable à suivre. Mais tout de même,
entre un thème initial vraiment intéressant et ce qu'on voit à l'écran, il
y a un monde. Tout est lisse dans ce film : les personnages, pas assez
fouillés pour être intéressants (au point qu'on met un bon moment avant de
bien les distinguer tous), les péripéties non seulement très classiques
mais facilement devinables vu l'insistance portée sur les détails
importants, et les "méchants" qui sont des caricatures totales (le
directeur de l'internat et le père de Neill).
En fait, derrière son vernis poétique, le film n'est rien d'autre qu'un
teen movie de plus, avec ses passages obligés (la scène de fête
alcoolisée, par exemple), ni meilleur ni moins bon que bon nombre
d'autres. Allez, si, on a quand même un assez bon casting, et quelques
très beaux plans d'extérieurs. Mais à côté de ça, l'âge du film est
également très apparent lors de deux ou trois scènes qui frisent la faute
de gout (le départ des gamins vers la grotte sur fond de brume et de
musique électronique vaut son pesant de cacahouètes). Même la scène
dramatique du film manque sincèrement d'intensité, et s'achève
accessoirement sur un ralenti atroce.
Et puis quand même, le plus décevant c'est que cette histoire de poésie ne
soit pas mieux exploitée. Tout ce qu'on voit, ce sont des gamins qui
lisent quelques vers sans sembler prendre cela très au sérieux, mais ça ne
va pas plus loin. Ah si, tout de même, il y a au coeur du film une scène
très réussie, celle où Keating (soit dit en passant une caricature aussi
dans son genre) fait passer Todd au tableau et le pousse à se révéler un
peu. Là, l'émotion est présente. Le reste du temps (y compris lors de la
scène finale), on se contente de suivre sans déplaisir ni enthousiasme
l'intrigue suivre son cours ronronnant. Pas de quoi crier au scandale (je
le répète, j'ai passé un bon moment), mais très franchement, si vous ne
l'avez jamais vu, vous ne ratez pas grand chose.
Roupoil, 26 mars 2009.