Si le Dahlia noir de De Palma n'avait pas fait
une apparition récente sur les écrans, j'aurais peut-être encore passé un
certain avant de voir ce qui est donc maintenant "l'autre" adaptation
d'Ellroy. En même temps, la réputation du film d'Hanson n'a pas attendu
qu'un autre polar vienne marcher sur les plates-bandes, et d'ailleurs De
Palma ne sort pas vraiment vainqueur de la comparaison pour bon nombre de
critiques. Comme j'avais personnellement bien aimé le Dahlia, je
m'attelle à ce plongeon dans les bas-fonds de L.A. avec un soupçon de
suspiscion.
C'est l'histoire non pas d'un mec, mais de trois, trois policiers qui ont
chacun leur méthode, leur raison d'être là, leurs idéaux et (ça n'étonnera
personne de la part d'Ellroy) leur part d'ombre. Il y a White, la brute au
grand coeur, pour qui la fin justifie les moyens mais qui reste le plus
incorruptible des trois ; Vincennes, qui prête plus attention à son image
qu'à la moralité de ses magouilles avec le rédacteur en chef d'un torchon
populo ; et Exley, l'intello arriviste qui est un peu trop sûr de
représenter le droit chemin. Ces trois-là, que rien ne semblait devoir
rapprocher, tournent autout d'une même affaire, une tuerie dans un club,
qui va réléver bien des secrets enfouis.
Nous voilà donc plongés au coeur du Los Angeles de l'après-guerre, où la
pègre tient le haut du pavé mais où la police est bien décidée à faire un
peu de ménage. Plongés est bien le mot, la reconstitution est tellement
nickel qu'on a aucune difficulté à se mettre dans le bain. C'est de toute
façon la grande qualité du film : il a la force tranquille de ceux qui
n'ont rien à se reprocher. L'image est superbe, le casting irréprochable
(Guy Pearce, le moins connu des trois, n'est d'ailleurs pas le moins
convaincant) et le scénario en béton armé. S'appuyant sur ces éléments (et
pourquoi ne pas le faire), Hanson nous livre une réalisation tout aussi
soignée et fluide. Mais alors, de quoi vais-je pouvoir me plaindre ?
Eh bien, puisqu'on ne va pas pouvoir s'empêcher de jouer au jeu des
comparaisons, disons que là où Hanson a rendu une copie de bon élève bien
soignée et lisible, De Palma, en bonne tête dure, laisse filtrer des
éclairs de génie qui élèvent son film au-dessus de la simple some de ses
qualités et de ses défauts. Cela ne m'empêche pas de penser que L.A.
Confidential est globalement meilleur, mais il lui manque le côté
brillant qui aurait pu le transformer en chef-d'oeuvre incontournable. La
progression de l'intrigue est remarquablement huilée, mais il faut tout de
même attendre presque la moitié du film pour que ça s'emballe vraiment, et
pendant une heure, rien ne vient réellement nous scotcher à notre fauteuil
(on est juste confortablement instalé dedans, sans la moindre envie d'en
bouger, ce qui n'est déjà pas mal).
Pour ne pas avoir l'air de dénigrer un excellent film, précisons tout de
même une dernière fois qu'il s'agit d'un must see pour tous les
amateurs de polar, et même pour les autres. Après tout, on voit tant de
réalisateurs (et pas des moindres) gâcher du bon matériel pour prendre le
temps de savourer l'impeccable travail réalisé par Hanson dans ce film.
Roupoil, 1 janvier 2007.