Bon, je ne vais pas y aller par quatre chemins, ce film
est certainement la meilleure surprise cinématographique que j'ai eue
depuis un bon moment (disons de l'ordre de deux à trois ans). C'est le
genre de film où on rentre dans la salle obscure sans trop savoir ce qu'on
va y trouver, et où on ressort avec l'envie folle de tomber amoureux de la
terre entière (ce qui n'est accessoirement pas très difficile quand il
fait beau et que les jeunes filles court vêtues affluent dans les rues
comme c'est le cas en ce moment). Dire que j'ai failli ne jamais y entrer,
dans la salle en question : la fête du cinéma, une programmation pas
franchement passionante, un trou de trois heures à boucher pour profiter
au maximum des tarifs réduits, et me voilà donc, pour 1 euro cinquante
sans les pop-corns, devant le dernier film de Kusturica, dont j'avoue
n'avoir vu aucun des opus précédents, de peur d'un arrière-plan politique
trop présents (je n'aime pas les films politiques).
Au moins, avec l'ami Emir, on est vite dans l'ambiance. Il n'y a pas cinq
minutes de passées qu'on a déjà croisé quelques-uns de ses curieux
personnages, joyeux lurons invraisemblables et attachants, et que l'on est
bercé par une musique que, à défaut de connaissances suffisantes sur le
sujet, je qualifierai de particulèrement adaptée à l'tmosphère générale du
film. Tout se passe en 1992, dans un coin reculé de Bosnie où il ne se
passe pas grand chose, et dont la particularité majeure est d'être
traversé par une voie de chemin de fer, sur laquelle ne passe pas l'ombre
d'un train de voyageurs mais qui sera pourtant le lieu de bien des
événements. Pas de quoi fouetter un chat donc mais un bestiaire
particulièrement fourni rameuté par Kusturica pour égayer son histoire :
des ours tentés par le confort d'un chalet montagnard, une vieille mule
suicidaire, un chat gourmand et chapardeur et bien d'autres encore
peuplent le film et lui apportent un supplément de fantaisie. Non pas que
les humains se comportent beaucoup plus rationnellement : d'un match de
foot aux relents surréalistes à un éteignage de télé à coup de fusil, nos
amis yougoslaves ont le sang chaud, mais aussi le rire facile.
Le personnage principal du film, Luka, est chargé de surveiller la voie ;
il s'est retiré la campagne avec sa femme, chanteuse d'opéra allergique à
la poussière et un brin fofolle, et son fils Milos, star du foot en herbe.
Les premières scènes sont surtout l'occasion de se plobger dans la folie
douce qui attein à divers degrés tous les habitant du village, prompts à
boire, manger et faire la fête, s'engueuler et tout casser sans bonne
raison... Quoique les raisons ne tarderont pas à venir. Car si les petites
histoires au sein du village n'ont pour l'instant rien de tragique, dehors
c'est la guerre qui s'annonce. Elle semble bien lointaine à notre Luka, et
pourtant elle va s'immiscer dans sa vie, via ce chemin de fer qui devient
rapidement un enjeu stratégique du fait de son emplacement proche de la
frontière serbe. On ne la verra pas beaucoup pour autant, ladite guerre. A
quelques exceptions près, elle ne consctituera qu'une toîle de fond, avec
des enjeux qui dépassent largement la compréhension de nos pauvres
campagnards ; elle se contentera de passer, sur ces rails, et de prendre
et déposer les personnages clés d'une histoire simple, celle d'un homme
qui se fait prendre son fils par l'armée et sa femme par un chef
d'orchestre hongrois, qui récupère en échange une fort charmante
prisonnière (en fait, charmante n'est pas vraiment le mot,
rrrrrrraaaaaaaaaaaaahhhhhh looovely serait peut-être plus adapté ;
d'ailleurs, son visage me rappelle beaucoup celui d'une certaine
biiiiiiiiip, hum, veuillez m'excuser, je crois que je m'égare, fermons
donc cette parenthèse le plus vite possible) croisée auparavant sur un
chariot d'hôpital (rien n'est impossible chez Kusturica), et qui va
rapidement devenir beaucoup plus qu'une monnaie d'échange pour récupérer
son fils. On a d'ailleurs l'impression que Kusturica se désintéresse
complètement de la guerre l'espace de quelques scènes, et que l'éclat des
bombes faisant trembler les murs de la maison ne sont qu'un prétexte à
leur rapprochement.
Peut-être est-ce d'ailleurs là le message du film, démontrer l'absurdité
de la guerre (scène magistrale d'échange de prisonniers à la fin du film)
et sa dérisoire inutilité face à la grandeur des sentiments humains. Et je
ne dirai jamais assez la beauté des scènes oniriques et "tire-larmes" de
ce film, d'autant plus émouvantes qu'elles tranchent avec l'ambiance
délirante savamment entretenue le reste du temps. Peut-être les
personnadges de Kusturica sont-ils justement d'autant plus humains qu'ils
contiennent une bonne part de folie. En tout cas, un film simple comme la
vie, comme l'amour, et bon comme une marmite bosniaque : un peu de tout,
et moins ça ressemble à quelque chose de connu, mieux c'est !
Roupoil, 29 juin 2004.