Commençons par mettre les choses au clair, car la
fabuleuse inventivité des traducteurs français de titres de films peut
engendrer la confusion (de nos jours, ils laissent la moitié des titres de
films américains en anglais, finalement, ça pose moins de problèmes et ça
évite de dénaturer). Le film dont je parle ici n'est pas la fable sur les
camps nazis de Benigni, mais le classique de Frank Capra, tourné juste
après la guerre dans un noir et blanc, euh, disons daté.
Le ressort de la comédie parait presque désuet aujourd'hui, mais comme je
n'ai aucune idée de quand date la première apparition de ce genre de
procédé (il y a tout de même au moins Le ciel peut attendre de
Lubitsch qui est antérieur), admettons-le sans protester. George Bailey
est sur le point de se suicider, et ça ne plait pas trop à l'ami Dieu dans
le ciel, qui envoie un ange (de seconde classe !) lui porter secours. Mais
avant cela, pour mieux le connaitre, l'ange a droit à un flash-back de la
vie de George, et nous aussi, du coup.
La vie en question est également assez formatée : George est un gentil
gars, dont le père accorde aux pauvres gens du bled où il vit des prêts
pour leur permettre de se loger décemment, malgré les menaces du très
méchant gros méchant Potter (oui, la redondance est volontaire, le vieil
homme transpire tellement le mal que c'en est désarmant). Lui se fiche pas
mal de tout ça, son rêve étant de s'enfuir très loin de sa petite ville.
Mais les circonstances aidant, il finira par reprendre l'affaire de son
père.
Vu de loin, ça fait assez peur, et vu de près aussi par moments : les
personnages secondaires sont très caricaturaux, l'histoire assez
prévisible et le trait souvent très appuyé. On a pat ailleurs envie de
taper sur le scénariste qui flanque à répétition des coups du destin au
pire moment pour le pauvre George. Et puis, à l'intérieur de tout ça, il
faut bien avouer que capra s'en sort prodigieusement bien. Les ressorts
comiques, même les plus classiques sont très bien exploités (le dialogue
avec l'ange sur fond d'étoiles, ridicule mais du coup rigolo), la
précision des dialogues et du jeu des acteurs, et l'enchaînement très bien
maîtrisé des scènes nous plongent au coeur de l'histoire sans qu'on y
trouve à redire. Dommage tout de même que l'image en noir et blanc soit
aussi moche (ou alors j'ai eu droit à une mauvaise copie, en tout cas, par
moments, on avait du mal à distinguer certains objets). Par ailleurs, le
sous-titrage était absolument scandaleux pour une édition commerciale (des
fautes d'orthographe toutes les deux lignes, et surtout la moitié des
phrases non traduites, ce qui faisait perdre une bonne partie du sel des
dialogues aux non-anglophones...), mais je ne suis pas là pour critiquer
ça (en plus, le DVD n'est pas à moi...).
Revenons donc au film. Qu'est-ce que je disais, au fait ? Ah oui, donc
voilà, finalement, un film fort sympathique, auquel j'aurais bien mis une
meilleure note, si la fin ne m'avait rejeté en pleine figure les défauts
du film. Pendant vingt minutes (la partie après le sauvetage par l'ange
est beaucoup trop longue), c'est sucre, guimauve et trémolos, avec un
happy end qui laisse pantois (moi, je vous dis, de nos jours, on sait
plus faire de happy ends aussi happy qu'avant). Un peu plus de nuances
aurait sûrement beaucoup apporté au film, qui reste tout de même très
agréable à regarder.
Roupoil, 8 mai 2005.