La Piel que habito,

film de Pedro Almodovar (2011)



Avis général : 7.5/10
:-) Un film d'une richesse exceptionnelle, au scénario surprenant et diabolique, qui pose plein de questions et monte formidablement en puissance.
:-( Quelques passages bizarres. Un certain manque de passion de la part d'Almodovar.

Mes lecteurs n'attendaient sûrement plus une critique du dernier film d'Almodovar, quelques lustres après sa sortie. D'ailleurs, dans la mesure où je ne suis pas toujours d'une fidélité absolue au grand Pedro, il n'y aurait rien eu d'étonnant à ce que je zappe un opus qui n'a finalement pas vraiment déclenché d'affolement médiatique. Personne même pour se plaindre à Cannes qu'Almodovar soit encore une fois reparti les mains vides. Aurait-on fini par le ranger au placard des grands maitres qui ronronnent de film en film sans rien proposer de neuf ? Il aura fallu l'avis enthousiaste d'un collègue pour me décider à tenter tout de même l'expérience.

Le docteur Ledgard est un spécialiste de la chirurgie esthétique, et plus précisément de la peau, consacrant son temps à tenter de créer de toutes pièces une peau artificielle plus solide que la peau humaine depuis que sa femme est morte brûlée dans un accident de voiture. Dans sa grande villa, il semble faire de drôles d'expériences sur un cobaye humain dont on ne sait trop d'où il l'a sorti. Quelques flash-backs vont nous livrer petit à petit la clé du mystère, ou plutôt des mystères entourant cette étonnante histoire.

Soyons francs, pendant un certain temps, on ne sait pas trop où Almodovar veut nous mener, les pièces du puzzle sont trop éclatées pour qu'on puisse tenter de les rassembler, bref on attend d'en savoir plus. On craint un moment que ça se gâte avec l'apparition du fils de la dame qui s'occupe de la maison, un drôle de zèbre qui semble en provenance directe des premier films d'Almodovar et fait terriblement tâche dans l'univers froid et maîtrisé qui est désormais celui du réalisateur espagnol. Mais attendez, ne fuyez pas, ce n'est que le début !

Car petit à petit, on comprend que ce que nous propose Almodovar ici, ce n'est pas simplement un nouveau film ressassant énormément de ses thèmes de prédilection (histoires de famille alambiquées, identité sexuelle), mais plutôt une sorte de film-monstre englobant à peu près tout ce qu'il a pu produire précédemment. Inutile d'avoir vu toute sa filmographie antérieure pour apprécier ce film, mais si c'est le cas, vous aurez sûrement l'impression d'avoir, en deux petites heures, revu tout Almodovar. C'est à la fois fascinant et un peu indigeste (on a vaguement la migraine en sortant de la salle tellement le film est riche), mais justifie complètement ce personnage loufoque ou l'explication de la naissance de Robert, qui en apparence n'apporte absolument rien au film.

Surtout, Almodovar ne se contente pas de faire un patchwork mal fagoté, mais réussit à intégrer tous ces éléments à un scénario magnifiquement alambiqué et revisitant avec un vice intéressant le mythe de Frankenstein. Posant infiniment plus de questions qu'il ne donne de réponses, le film va au bout de ses idées, de plus en plus impressionnant au fur et à mesure qu'on s'approche du dénouement. Très loin d'être un opus mineur, ce nouveau Almodovar est donc au contraire une pierre de touche de sa filmographie déjà bien remplie. Seul bémol, la réalisation trop clinique qui laisse un peu les émotions de côté. La réflexion suffit ceci dit amplement à nourrir l'esprit du spectateur.

Roupoil, 31 octobre 2011.



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