Mon rythme de critiques ciné a bien baissé ces deniers
temps. J'espérais me rattraper pendant ces vacances, mais les éléments se
sont ligués contre moi : boulot, voyage en Egypte, plus de télé, et rien
de très bon au cinéma. Bon, tout de même, une petite après-midi pour aller
voir ce qui me tombait sous la main, en l'occurence pour commencer un film
français qui lorgne sur la mode du biopic (ou alors c'est vraiment une
étrange coïncidence).
Soyons francs, non seulement je ne connaissais essentiellement rien de la
vie de Piaf avant de voir le film, mais en plus je n'avais à peu près rien
écouté d'elle non plus. Du coup, je ne jugerai pas l'intérêt biographique
de la chose, sachez juste que, de fait, le film insiste pas mal sur les
moments difficiles de la carrière de la môme : enfance au bordel puis dans
les bas-fonds de Belleville, drogue, et une bonne partie du film qui se
déroule pendant les dernières années de la vie de Piaf, vieillie avant
l'heure. C'est le procédé presque traditionnel désormais de la
mythification via la déchéance qui est repris ici, et qui fonctionne
plutôt pas mal. Personnellement, je ne trouve pas du tout que, comme j'ai
pu le lire ici ou là, on garde une mauvaise impression de la chanteuse
après avoir vu le film.
En tout cas, ce traitement du sujet comme bien d'autres choses
(reconstitution coûteuse, casting solide avec rôla osca, euh, césarisable
à la clé) semblent vraiment indiquer que dahan et son équipe ont cherché à
se fondre dans la mouvance américaine. Réaliser un Walk the line,
c'était voué à l'échec ? Eh bien, non seulement on nous prouve ici le
contraire, mais l'élève se hisse même au-dessus du maitre.
Déjà, bon point, techniquement, c'est vraiment à la hauteur : la
reconstitution est absolument impeccable, décors, costumes et surtout les
maquillages impressionnants mais totalement crédibles. L'occasion de
féciliter Marion Cotillard, à fond dans un rôle pas facile. Le reste de la
distribution, hormis le passage éclair de Depardieu en guest star, a su
privilégier des comédiens efficaces plutôt que d'aligner les stars (bon,
je suis pas sûr que Rouve soit vraiment le meilleur choix pour le père).
Et puis tout simplement, Olivier Dahan, dont je n'avais pas vu les
précédentes réalisations, est un véritable auteur, qui tombe par moments
dans la facilité (qu'est-ce que c'est par exemple que ce plan sur la
pleine lune ? et tout le passage sur la maladie des yeux d'Edith est
lourdingue), mais qui la plupart du temps insuffle une véritable énergie
dans son film.
Je ne peux pas non plus éviter de mentionner la déconstruction temporelle
du récit, qui saute allégrement d'une époque à l'autre sans crier gare.
Coquetterie ? Pas du tout, plutôt une manière d'échapper à la lourdeur
d'un pseudo-documentaire (mais on suit tout de même sans difficulté, sauf
peut-être au moment de la mort de Leplée, qui est un brin confuse) et de
privilégier une sorte de kaléidoscope d'instantanés. Et ce qui est très
fort, c'est justement que ces instatanés sont incroyablement vivants.
C'est simple, on plonge immédiatement dans le film et on ne décroche
jamais, avec de véritables moments d'émotions disséminés de temps à autre
(la mort de Cerdan évite avec brio le pathétique lourd).
Excellente suprise donc que ce vrai bon film populaire qui, malgré ses
petits défauts, réussit à se sortir du moule dans lequel on aurait pu
vouloir l'enfermer trop vite. Même si le sujet ne vous branche pas, tentez
le coup, vous pourriez bien, comme moi, ressortir de la séance tout
retourné.
Roupoil, 3 mars 2007.