La Grande bouffe,

film de Marco Ferreri (1973)



Avis général : 6.5/10
:-) Un sens de la provocation assez ultime. Des acteurs qui jouent le jeu à fond. Puis bon, y a quand même de la bouffe qui fait bien envie.
:-( Ca s'enlise parfois un peu. La réalisation est très quelconque.

Le plus grand scandale de l'histoire du festival de Cannes. Combien de films peuvent s'ennorgueillir d'un tel titre ? Peut-être un certain nombre, en fait, vu la vie parfois mouvementée de la Croisette, mais celui-ci a sûrement gagné pour toujours sa sulfureuse réputation. Mais comme une réputation ne fait pas toujours une bonne oeuvre d'art, voici les critiques aus dents longues de ce début de vingt-et-unième siècle prêts à rire de ce qui choqua leurs ainés.

Le concept du film est un coup de génie d'une bêtise invraisemblable. Quatre notables plus tout jeunes s'enferment dans une grande maison pour y bouffer jusqu'à en crever. À cause de la libido incessante de Marcello et de l'irruption impromptue d'une institutrice bien en chair, l'orgie sera aussi sexuelle. Les putains s'enfuieront bien vite, choquées par l'invraisemblable comportement de nos bourgeois, mais le spectateur, lui, restera jusqu'à la fin, jusqu'à l'empiffrement ultime.

Peut-on réellement faire un vrai film, autre chose qu'un immense foutage de gueule, à partir d'un scénario pareil ? Ferreri a en fait l'intelligence de laisser plus ou moins en suspens cette question. Beaucoup ont vu dans le film une subtile (enfin, façon de parler) critique symbolique de la société de consommation. Oui, si on veut, mais bon, le fait est qu'à l'écran, on se contente essentiellement d'une succession de scènes destinées à faire fuir un par un les spectateurs trop sensibles. À ce propos, je peux d'ailleurs répondre à une des interrogations sous-jacentes dans mon préambule : oui, trente-cinq ans après sa sortie, le film est toujours très fort. On fait bien sûr aujourd'hui beaucoup plus violent au niveau des images, mais quel film qui ne soit pas catalogué horreur ou dont le sexe soit le sujet principal aligne autant de scènes qui mettent mal à l'aise ? Voir un acteur de la trempe de Piccoli mourir en pétant, ça fait tout de même un drôle d'effet.

Alors bien sûr, la force du film est aussi sa faiblesse : en deux heures, il n'y a pas grand chose d'autre à tirer que ces provocations répétées. Parfois, ça frappe vraiment fort (la mort d'Ugo est assez terrible aussi), parfois moins, et surtout le remplissage est souvent faible (réalisation plate, seconds rôles effacés). Heureusement, quelques pointes d'humour font également mouche (Tognazzi en caricature de Brando, absolument hilarant).

La fin n'est pas géniale non plus à mon gout, mais on reste tout de même assez sonné par ce qu'on vient de voir. Par ailleurs, quatre grands acteurs qui se laissent emmener dans une aventure pareille, c'est fort ! Au fond, le film en lui-même n'est pas très bon. Mais c'pas grave, l'esprit transcende ici le résultat, ça mérite indiscutablement d'être vu.

Roupoil, 21 aout 2007.



Retour à ma page cinema